par Antoine Bioy, Docteur en psychologie clinique et pathologique. Responsable scientifique de l’IFH. Hypnothérapeute attaché au CHU Bicêtre. Enseignant-Chercheur à l’université de Bourgogne.
Il est un fait que la recherche a réintroduit sans complexe l’hypnose dans le champ de la santé sans que la question de la scientificité de cette méthode ne se pose plus. La clinique s’est ainsi développée de façon plus importante qu’auparavant, toujours appuyée par des éléments de preuve apportés tant par la médecine que par les sciences humaines.
A ce jour, l’état hypnotique est vraisemblablement l’un des états de conscience parmi les mieux connus au monde et continue à interroger quant à ses effets, notamment la capacité à induire des productions involontaires (Brugmer, 2012). Elle constitue un modèle de compréhension en psychopathologie normale et dysfonctionnelle comme nous nous en sommes déjà fait l’écho dans ces pages. Lover l’aborde ce mois-ci dans le champ des reviviscences en post-trauma (2012).
L’action de l’hypnose dans le champ de la santé est particulièrement documentée, et en médecine de la douleur, l’hypnose est incontestablement la prise en charge complémentaire la plus étudiée de toutes. Les preuves se sont accumulées montrant les effets de l’hypnose sur différentes formes de douleurs, ce qui a donné lieu à la création de protocoles plus ou moins précis, mais en tout cas respectant une méthodologie stricte. Bien sûr, un long chemin reste à parcourir. Si le domaine de l’aigu est maintenant bien saisi, des modèles de compréhension du chronique restent à inventer. On ne peut en tout cas dans ce domaine faire l’économie des études cliniques, in vivo, et longitudinales (dans la durée). Elles ne sont pour l’instant pas légion. Le domaine du colon irritable est cependant assez intéressant sur ce point. Ce syndrome fonctionnel constitue une indication de choix de l’hypnose, et se trouve avoir donné lieu à beaucoup d’études ces dernières années.
L’équipe de Vlieger a ainsi proposé une étude en deux temps. Dans la première (2007), ses chercheurs montrent les très importants effets bénéfices de l’hypnothérapie sur le syndrome du colon irritable auprès d’enfants. Dans la seconde (2012), ils évaluent les effets de l’hypnose à cinq ans sur le syndrome douloureux en tant que tel, mais aussi sur le niveau de somatisation des patients et enfin sur la qualité de vie. Ceci, en comparaison avec un groupe de patients ayant des soins « standards » (soins de supports dont pharmacothérapie). Les résultats sont sans appel concernant cette étude incluant 52 patients. Les personnes ayant bénéficié de l’hypnothérapie sont 68% à être en rémission contre 20% pour le groupe témoin. Les pics douloureux sont significativement plus faibles chez les patients du groupe hypnose, qui par ailleurs ont un niveau de somatisation bien plus faible (15,2 versus 22,8) que le groupe aux soins standards. Par contre, la qualité de vie n’était pas un élément distinctif des deux groupes. Ce qui est plutôt une bonne chose, car cela indique que même sans hypnose, des patients arrivent à trouver un sentiment satisfaisant d’équilibre de vie ! Quand même !
Une autre étude longitudinale autour du même syndrome a été proposée par l’équipe de Lindfors (2012-a), cette fois sur 208 patients. Elle apporte deux compléments importants :
– Les patients qui ont fait un usage bénéfique immédiat de l’hypnose continuent pour 73% d’entre eux à la pratiquer seuls quatre ans après,
– Les auteurs précisent les avantages financiers de la méthode. Un atout important pour les pouvoirs publics, et à faire valoir.
Dans une autre étude (2012-b), les même auteurs précisent une part de subjectivité importante : les résultats sont meilleurs en centre spécialisé qu’en pratique libérale. Comme toute pratique, l’hypnose inclut une dimension d’effet placebo à prendre en compte, ici dans une perspective de cadre professionnel d’intervention.
Ces études longitudinales offrent de nouvelles perspectives intéressantes. Nous disions en effet qu’un long chemin restait à parcourir pour tout comprendre de l’hypnose, son intérêt et ses modalités d’action. Ce type d’études ouvre le chemin vers la prévention sanitaire, l’usage de l’hypnose en amont de pathologies, nos amis médecins parleraient peut-être de prophylaxie hypnotique. Il ne suffit pas de se dire que l’hypnose et l’autohypnose peuvent avoir des effets positifs sur la vie des patients, reste encore à le démontrer en recherche clinique, afin d’ouvrir de nouveaux horizons.
Terminons en signalant, en marge et pour les amateurs d’histoire, un intéressant article autour de l’hypnose et de la suggestion en Grande Bretagne au cours du 19ème siècle (Chettiar, 2012).
Références bibliographiques :
Burgmer M. et al: “ The mirror neuron system under hypnosis – Brain substrates of voluntary and involuntary motor activation in hypnotic paralysis” Cortex 2012, Jun 20
Chettiar T:” Looking as Little Like Patients as Persons Well Could’: Hypnotism, Medicine and the Problem of the Suggestible Subject in Late Nineteenth-Century Britain. Med Hist 2012 Jul; 56(3):335-354.
Lindfors P et al: ”Long-term effects of hypnotherapy in patients with refractory irritable bowel syndrome” Scand J Gastroenterol. 2012-a Apr; 47(4): 414-420
Lindfors P et al: “Effects of gut-directed hypnotherapy on IBS in different clinical settings-results from two randomized, controlled trials” Am J Gastroenterol 2012-b Feb; 107(2): 276-285
Lovern, J: “Posthypnotic state changes and flashbacks: analogous processes?” J Trauma Dissociation 2012 Oct; 13(5): 568-581.
Vlieger AM: “Long-term follow-up of gut-directed hypnotherapy vs. standard care in children with functional abdominal pain or irritable bowel syndrome” American journal of gastroenterology 2012 Apr; 107(4): 627-631
Vlieger AM et al: “Hypnotherapy for children with functional abdominal pain or irritable bowel syndrome: a randomized controlled trial” Gastroenterology 2007 Nov; 133(5):1430-1436
Article paru dans la revue hypnose et thérapies brèves n°27
Nov.Dec.Janv. 2012-2013
> En savoir plus sur ce numéro