Docteur Bernard Tauber, Psychiatre
Texte présenté lors d’un Séminaire en Mars 1992. (1) (2) (3)
I.- HYPNOSE, ce n’est pas ce que l’on croit.
Dans le milieu analytique, l’hypnose intéresse et fait peur. Chacun la rejette et en même temps l’hypnose redevient une question. Le point d’où nous partons est celui du rejet de l’hypnose tel que FREUD le précisait dans l’Introduction à la Psychanalyse (p. 427)
“C’est un travail de manoeuvre, n’ayant rien de scientifique, rappelant plutôt la magie, l’exorcisme la prestidigitation”.
Il m’est apparu intéressant et important de reposer en 1992 la question des rapports de l’hypnose et de la psychanalyse.
“C’est beaucoup moins qu’on ne le pense d’ordinaire”
DEFINITION DE L’HYPNOSE, Jean GODIN fondateur de l’Institut Milton ERICKSON de PARIS. (Encyclopédie médico-chirurgicale 1991)
“L’hypnose est un mode de fonctionnement psychologique dans lequel un sujet, grâce à l’intervention d’une autre personne., parvient à faire abstraction de la réalité environnante tout en restant en relation avec l’accompagnateur. Ce “débranchement de la réaction d’orientation à la réalité extérieure”, qui suppose un certain “lâcher-prise”, équivaut à une façon originale de fonctionner, à laquelle on se réfère comme à un état.
Ce mode de fonctionnement particulier fait apparaître des possibilités nouvelles : par exemple des possibilités supplémentaires d’action de l’esprit sur le corps, ou de travail psychologique à un niveau inconscient.”
En général, dans le milieu analytique la référence que tout un chacun a de l’hypnose est l’hypnose pratiquée par BERNHEIM.
C’est le “vous dormez, je le veux, … et vous n’aurez plus de symptôme”. L’hypnotiseur a un pouvoir et l’utilise contre un patient qu’il manipule par la suggestion directe.
Comme le dit ROUSTANG (Influence p. 88) :
“La pratique de l’hypnose fait violence dans la mesure où elle tend à obtenir un effet immédiat voulu par le thérapeute sans tenir compte de la situation multiforme particulière du patient. Elle est une sorte de court-circuit. Il faut donc se plaindre non de l’hypnose, mais de la manière impatiente dont on s’en est servie, vraisemblablement mâtinée du souci de jouer au tout puissant.”
Par ailleurs, il est important de faire la différence entre l’hypnose et la suggestion. La suggestion peut permettre d’induire l’état hypnotique, mais il ne saurait être question ‘de confondre ce qui peut induire l’état et l’état lui-même.. L’utilisation de la suggestion directe dans l’hypnose correspond à une pratique particulière et datée. On peut utiliser. l’hypnose d’une façon très différente. Il est important de rappeler qu’un sujet n’accepte que les suggestions qui lui conviennent ou qu’il peut supporter et que personne ne peut entrer dans l’état hypnotique contre sa volonté. On peut permettre seulement à un sujet qui le veut d’entrer en hypnose et sans suggestion directe.
On peut obtenir l’état hypnotique de façon très simple en fixant l’attention du sujet ce qui entraîne une confusion et lui permet de lâcher prise.
C’est à la fois beaucoup plus qu’on ne le pense d’ordinaire
Deux citations d’Octave MANONNI nous permettent d’introduire notre propos et peut-être de nous décoller de l’idée qu’on se fait de l’hypnose habituellement.
– Une lettre adressée à CHERTOK en 1980 (c’est l’époque de la dissolution de l’E.F.P., et c’est aussi l’apogée de la période intellectualiste de l’analyse).
“Lorsqu’il m’écrivait par exemple que “l’hypnose est une phénoménologie révolutionnaire, qui contredit tous nos savoirs théoriques”
– Dans un commencement qui n’en finit pas (Seuil 1980 page 49,50) :
“Le transfert n’est pas facile à définir, disons, en gros, que c’est la mobilisation de l’inconscient en relation avec l’analyste. Il est prudent de ne pas chercher trop de précisions, Car le transfert est vraiment le non-théorisable de l’analyse.
En tout cas, le transfert est ce qui nous reste de la possession, et on l’obtient par une série de soustractions. On élimine le diable, restent les convulsionnaires. On élimine les reliques, restent les “magnétisés” de Mesmer. On élimine le baquet, on a l’hypnose et le “rapport”. On élimine l’hypnose, il reste : le transfert”.
Deux citations d’Octave MANONNI nous permettent d’introduire notre propos et peut-être de nous décoller de l’idée qu’on se fait de l’hypnose habituellement.
– Une lettre adressée à CHERTOK en 1980 (c’est l’époque de la dissolution de l’E.F.P., et c’est aussi l’apogée de la période intellectualiste de l’analyse).
“Lorsqu’il m’écrivait par exemple que “l’hypnose est une phénoménologie révolutionnaire, qui contredit tous nos savoirs théoriques”
– Dans un commencement qui n’en finit pas (Seuil 1980 page 49,50) :
“Le transfert n’est pas facile à définir, disons, en gros, que c’est la mobilisation de l’inconscient en relation avec l’analyste. Il est prudent de ne pas chercher trop de précisions, Car le transfert est vraiment le non-théorisable de l’analyse.
En tout cas, le transfert est ce qui nous reste de la possession, et on l’obtient par une série de soustractions. On élimine le diable, restent les convulsionnaires. On élimine les reliques, restent les “magnétisés” de Mesmer. On élimine le baquet, on a l’hypnose et le “rapport”. On élimine l’hypnose, il reste : le transfert”.
II.- QUELQUES EXEMPLES D’HYPNOSE AU QUOTIDIEN
C’est un phénomène psychique beaucoup plus banal qu’on ne le croit.
– Ayrton SENNA – Monaco (le Monde 14-05-1991):
“Cet état second dans lequel il peut se mettre lorsqu’il est au volant, Ayrton Senna l’avait vécu à son paroxysme lors de la deuxième séance de qualification, du Grand Prix de Monaco en 1988.”
“Les pilotes pouvaient alors faire autant de tours qu’ils le souhaitaient car ils ne disposaient pas de gommes tendres pour les qualifications.”
“J’ai bouclé un bon tour puis un autre, raconte-t-il. J’avais la pole mais j’ai continué pour augmenter mon avantage, encore, encore et encore. J’en suis arrivé à tourner plus de deux secondes plus vite que les autres, y compris mon coéquipier (Alain PROST) qui disposait pourtant de la même voiture que moi. Ce n’était pas lui qui roulait lentement, mais moi qui avait conduit trop vite. C’était comme si ma voiture avait été montée sur des rails. A un moment, J’ai eu l’impression que le circuit n’était pas vraiment un circuit, seulement un tunnel de glissières. Je me suis alors, d’un seul coup, rendu compte que J’avais dépassé la limite que Je considérais comme raisonnable.”
“Quand j’ai éprouvé ce sentiment, poursuit-il, j’ai aussitôt ralenti. Je n’y étais pas obligé puisque tout allait bien, mais, j’avais atteint un niveau inconnu. Je suis rentré doucement aux stands en me disant : “Aujourd’hui c’est spécial. N’y retourne plus. Tu es vulnérable. Tu t’es placé dans une situation où tu as presque laissé l’initiative à ton subconscient”.
D’autres exemples :
Gérard ALBOL.
– Ou plus simplement quand vous allez d’un endroit à un autre en voiture et que vous pensez à quelque chose, vous oubliez complètement par où vous êtes passé.
– Les indiens et les gratte-ciel a 300 m au-dessus du sol, émission USHUAIA (Nicolas HULOT)
– Le patient en état de transe légère.
– L’analyste et l’attention flottante ou avec certain patient on se sent s’endormir.
– Enfin en ce qui concerne la suggestion : la mise en place du dispositif analytique [Dites ce qui vous vient, l’Einfall, le nombre de séances, le prix etc…)]
– Diane CHAUVELOT L’ICS* dans tous ses états. [Point Hors Ligne 1991]
– Opérations Chirurgicales : Les effets des paroles des chirurgiens et anesthésistes sur le malade en état de coma anesthésique.
– L’histoire de Pédro et Pépé dans le livre de Maren et Marcelo VINAR (exil et torture 1989 In Roustang p. 141 Influence).
III.- FREUD ET L’HYPNOSE
FREUD a pratiqué l’hypnose d’abord selon la méthode de BERHNEIM en utilisant la suggestion directe, ensuite selon la méthode de BREUER. Malgré la critique qu’il fait de l’utilisation de la suggestion par BERHNEIM, FREUD ne différenciera pas l’hypnose de la suggestion.
a) Son dernier texte : SOME ELEMENTARY LESSONS IN PSYCHOANALYSIS
[Résultat, idées, Problèmes II p. 293, 294].
C’est le début d’une deuxième version de l’Abrégé (texte de juin 1938). FREUD est décédé le 23/09/1939. FREUD a toujours reconnu ce qu’il doit à l’hypnose et il tient à le rappeler dans ce dernier texte. L’ICS, il l’a découvert grâce à l’hypnose et la suggestion Post Hypnotique.
“On peut prouver expérimentalement chez des personnes plongées dans l’hypnose qu’il y a des actes psychiques inconscients et que l’être-conscient n’est pas une condition indispensable de l’activité. Qui a assisté à une telle expérience en a reçu une impression inoubliable et y a gagné une conviction inébranlable. Cela se passe à peu près ainsi : le médecin entre dans la chambre du malade à l’hôpital, met son parapluie dans un coin, plonge l’un des patients dans l’hypnose et lui dit : “Je m’en vais maintenant, quand je reviendrai, vous irez à ma rencontre avec le parapluie ouvert et vous le tiendrez au-dessus de ma tête.” Là-dessus, le médecin et ses accompagnateurs quittent la pièce. Dès qu’ils sont revenus, le malade, maintenant réveillé, exécute exactement ce qu’on, l’a chargé de faire sous hypnose. Le médecin lui en demande la raison : “Mais que faites-vous donc là ? Qu’est-ce que cela signifie ? ” Le patient est visiblement embarrassé, il balbutie quelque chose comme : “Je pensais seulement, Monsieur le Docteur, comme il pleut dehors, que vous ouvririez le parapluie déjà dans la chambre”. Une indication visiblement insuffisante, inventée sur le moment pour motiver d’une façon quelconque son comportement absurde. Mais pour nous, spectateurs, il est évident qu’il ne connaît pas son véritable motif. Nous, nous le connaissons, car nous étions présents lorsqu’il a reçu la suggestion qu’il a suivie maintenant, tout en ne sachant rien, de sa présence en lui (1) “.
b) Un de ses premiers textes dans R.I.P. I p.31 en 1892 “Un cas de guérison par l’Hypnose”
On voit bien dans un texte comme celui-là comment va s’effectuer la coupure Hypnose/Psychanalyse.
Le cas : une femme, dont la famille est amie de FREUD, ne peut allaiter son 2ème enfant. 2 séances d’hypnose qui entraînent une guérison complète.
Cette même patiente un an plus tard ne peut allaiter son 3ème enfant et FREUD pratique deux autres séances d’hypnose avec guérison complète.
FREUD pratique alors une hypnose classique type Bernheim avec suggestion massive (Vous dormez et vos symptômes vont disparaître).
Commentaire de FREUD R.I.P. I p. 35
“Je trouvais seulement incompréhensible et contrariant qu’il ne fût jamais question entre nous de ce remarquable résultat”.
Commentaire de la Patiente :
“Et alors, à la vue de cette répétition du succès, les deux conjoints se dégelèrent et avouèrent le motif qui avait guidé leur comportement envers moi. J’ai eu honte, me dit cette femme, de voir que quelque chose comme l’hypnose pouvait être utile là où moi avec toute ma force de volonté J’étais impuissante. Cependant, je ne crois pas qu’elle ou son mari aient surmonté leur aversion à l’égard de l’hypnose.”
Hypothèse : Est-ce que FREUD ne reprend pas cette phrase à son compte ? L’impuissance à dire ce qui s’est passé, de ne pouvoir rien en dire. D’où la 2ème partie du texte -8 p au lieu de 5 p-.où il va tenter d’expliquer ce qui s’est passé :
“J’en viens maintenant à discuter quel pouvait être chez ma patiente le mécanisme psychique de ce trouble qu’a levé la suggestion. Je n’ai pas, comme dans d’autres cas dont il sera question une autre fois, d’information directe à son sujet mais j’en suis réduit à le deviner”.
Et il va développer la notion de contre volonté Hystérique qu’il oppose à la faiblesse de la Volonté dans la Neurasthénie. Faiblesse de volonté dans Neurasthénie à Perversions de volonté dans l’Hystérie : CLIVAGE (elle veut mais ne peut pas) on est en pleine démarche théorique. Rendre compte de ce qui s’est passé.
Cela ne nous éclaire pas vraiment mais c’est tout à fait intéressant comme démarche. En tant que démarche bien évidemment.
Conclusion : Je note l’opposition, le contraste entre la première partie étonnante, étrange, surprenante et la deuxième partie -nous dirions théorigène, intéressante comme démarche.
A la fin de l’article il fait référence à un autre cas. Une patiente qui a un claquement particulier de la langue avec ouverture brusque des lèvres convulsivement serrées. Cette patiente, c’est Emmy VON N, dont le cas est longuement repris dans les Etudes sur l’Hystérie (p. 39) :
“Ne bougez pas, Ne dites rien, Ne me touchez pas”.
Cela est dit dans une période de délire comme pare-intrusion. Puis tout se calme. Il essaye d’analyser ce claquement de langue sous hypnose et il dit p. 39 :
“Sous hypnose cette malade – sans qu’on eût à la suggestionner pour cela – avait aussitôt à sa disposition toute sa capacité mnésique ; je dirais : tout le champ de sa conscience, qui était retréci pendant la veille. Elle répondit promptement : “Alors que mon plus petit enfant était si malade, qu’il avait eu des convulsions toute la journée et qu’il s’était enfin endormi le soir, et alors que j’étais assise près de son lit et que je me disais : maintenant tu dois être tout à fait calme pour ne pas éveiller ta fille, alors … m’est venu pour la première fois le claquement. Cela passa alors ; mais lorsque plusieurs années plus tard nous roulions une nuit dans la forêt près de … et qu’un gros orage éclata et que l’éclair frappa un tronc d’arbre droit devant nous sur le chemin si bien que le cocher dut retenir les chevaux et que je me dis : – Maintenant tu ne dois surtout pas crier sinon les chevaux vont s’effrayer, alors, c’est revenu et c’est resté depuis.
Je pus me convaincre que ce claquement de langue n’était pas un tic véritable car il fut éliminé dès qu’il fut ramené à son fondement, suppression qui persista des années, aussi longtemps que je pus suivre la malade” (p. 40).
IV.- LA QUESTION DE LA COUPURE HYPNOSE PSYCHANALYSE
Coupure qui se produira dans les années 1895
FREUD in Introduction à la psychanalyse p. 273
“Je suis donc en droit de dire que la psychanalyse proprement dite ne date que du jour où on a renoncé à avoir recours à l’hypnose”.
FREUD dans la technique Psychanalytique Conseil au Médecin p. 69
“Pratiquement, il est vrai, l’on ne saurait s’opposer à ce qu’un psychothérapeute combine une certaine dose d’analyse à quelque traitement par suggestion, dans le but d’obtenir plus rapidement un résultat thérapeutique patent. [ … ] Mais alors ce praticien doit se rendre compte lui-même de ce qu’il fait et ne pas confondre sa méthode avec une psychanalyse véritable”.
Et LACAN
“Qui ne sait, demandait LACAN dans son séminaire sur les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse que, c’est en se distinguant de l’hypnose que l’analyse s’est instituée ? ” (1973, p. 245).
donc pas d’Hypnose
pas de Suggestion
A noter
C’est un fait accepté et reconnu par tous les groupes analytiques, toutes les institutions en dépit de leurs différences. Ils sont tous d’accord avec cette notion de rupture épistémologique au sens de G. BACHELARD ou de coupure épistémologique au sens d’ALTHUSSER.
– Un analyste fait exception Sandor FERENCZI. Il écrit un article en collaboration avec 0. RANK : “Perspective de la Psychanalyse, sur l’interdépendance de la théorie et de la pratique”. [FERENCZI oeuvres complètes Tome 111. 1924]
Sont publiés les chapitres 1, 3, 5. N’ont pas été édités les -chapitres 2, 4, 6 : où il propose de remettre l’hypnose au service de la psychanalyse. Il sera intéressant de consulter la correspondance FREUD/FERENCZI qui est en train d’être éditée.
FREUD a toujours rendu à l’Hypnose ce qu’il lui devait y compris à la fin de sa vie. cf le texte que je vous ai cité de 1938.
Tout d’abord la notion d’inconscient in [le moi et le Ca (1923) (p.223)] :
“Pour la plupart de ceux qui ont une culture philosophique, l’idée d’un fait psychique qui ne soit, aussi, conscient est si inconcevable qu’elle leur paraît absurde et réfutable par la simple logique. Cela vient tout simplement, à mon avis, de ce qu’ils n’ont jamais étudié les phénomènes significatifs de l’hypnose et du rêve, qui – en dehors de toute référence au pathologique – imposent une telle conception. Pour sa part, leur psychologie de la conscience est incapable de résoudre les problèmes du rêve et de l’hypnose”.
La notion d’ICS est particulièrement démontrée par les suggestions Post hypnotiques. (In Métapsychologie p.70) :
“Du reste, les expériences hypnotiques, en particulier la suggestion posthypnotique, ont démontré, de manière tangible, avant même l’époque de la psychanalyse, l’existence et le mode d’efficace de l’inconscient psychique”.
Il est intéressant de voir que cette notion de coupure épistémologique qui est au fond, un acte de pensée théorique, de voir ce que cette coupure devient dans un texte de 1921 “Psychologie des foules et Analyse du Moi”.
Je reprends l’articulation du texte de FREUD
1) FREUD critique la théorie de la suggestion de TARDE LE BON ou BERNHEIM.
Il récuse l’explication de la suggestion hypnotique des foules par la théorie de la suggestion. Il fait référence aux expériences de BERNHEIM, et il se rappelle : [In Essais de Psychanalyse p. 149 et 150].
“Mais je n’ai pas perdu le souvenir d’une sourde hostilité qu’alors J’éprouvais déjà contre cette tyrannie de la suggestion. Lorsqu’un malade, qui ne se montrait pas docile, était apostrophé : que faites-vous donc ? Vous vous contre-suggestionnez ! Je me disais que c’était là injustice patente et acte de violence. L’homme avait à coup sûr droit aux contre-suggestions lorsqu’on tentait de le soumettre par des suggestions. Ma résistance s’est alors orientée ultérieurement vers la révolte contre le fait que la suggestion, qui expliquerait tout, devrait elle-même ‘ être dispensée d’explication”.
et plus loin
“Si maintenant, après m’être tenu à distance pendant quelque trente ans, j’aborde à nouveau l’énigme de la suggestion, je trouve que rien n’y a changé”.
Il conclut
“Mais sur la nature de la suggestion, c’est à dire sur les conditions dans lesquelles se produisent des influences sans fondement logique suffisant, la lumière ne s’est pas faite (p. 150)”.
2) FREUD propose alors pour expliquer les phénomènes de psychologie de foule : la théorie de la libido.
– Théorie qu’il applique avec brio à l’église et à l’armée qui sont 2 foules particulières. Puis sous cet angle, il va aborder les foules avec meneur et les foules sans meneur.
3) FREUD aborde alors la question de l’identification (chapitre 7)
La théorie de la libido convient parfaitement tant qu’il s’agit d’un sujet monadique et substantiel (désirant, pulsionnel) que le rapport à autrui ne viendrait modifier qu’après coup.
Mais FREUD fait remarquer que la question du lien social, du lien affectif (gefühlsbindung) débouche sur la nécessité d’envisager une sorte d’altération originaire par autrui (identification primaire), bien antérieurement à toute constitution d’un moi, bien antérieurement à tout triangle oedipien.
Il s’agit d’un rapport d’identification antérieur à l’opposition du Moi et de l’Objet et donc aussi bien à tout lien libidinal d’objet.
FREUD : – In essais de psychanalyse (p. 69)
“L’identification est la forme la plus précoce, la plus originaire du lien affectif”.
– In essais le Moi et le Ca (p. 243)
“Ceci nous ramène à la naissance de l’idéal du moi, car derrière lui se cache la première et la plus importante identification de l’individu l’identification au père de la préhistoire personnelle – cf la note 1 peut-être serait-il plus prudent de dire identification aux parents indistinctement – Celle-ci tout d’abord semble n’être pas le résultat ou l’issue d’un investissement d’objet c’est une identification directe, immédiate, plus précoce que tout investissement d’objet. Mais les choix d’objet qui appartiennent à la première période sexuelle et concernent le père et la mère, semblent dans un déroulement normal, trouver leur issue dans une telle identification, venant ainsi renforcer l’identification primaire”.
Commentaire de BORSCH JACOBSEN de cette phrase L’identification comme la forme *la plus originaire du lien affectif [In Hypnose et Psychanalyse p. 2,00].
“Ou bien cette phrase ne veut rien dire ou bien elle signifie que l’origine et donc l’ “essence” de l’affect est à chercher du côté d’un rapport qui n’est justement pas la relation d’un sujet à un objet. L’affect, étant lien affectif, ne vient pas de “moi” (ce n’est pas “moi-même” qui m’auto-affecte): il n’est donc pas cette immanence à soi (Henry, 1963) stigmatisée par LACAN. Inversement, étant lien identificatoire il ne vient pas non plus de l’ “objet” -puisque cet “objet”, c’est “moi”; je m’aime et me hais en lui, m’angoisse pour moi-même dans la panique qu’il me communique, déplore ma propre mort dans le deuil et la culpabilité qui suivent sa dévoration, etc. Tout affect suppose cette indistinction du moi et de l’objet, du moi et de l’autre. En ce sens, ce n’est jamais un “sujet” qui éprouve un affect. Il y faut toujours une identification qui est une altération, une altération qui est une identification : l’affect n’est propre à personne, à aucun “individu” monadique”.
4) A partir de là FREUD en vient à faire de l’Hypnose le paradigme (exemple, modèle) du rapport à autrui. [In essais Psychologie des foules p. 179] :
“Il n’y a manifestement pas loin de l’état amoureux à l’hypnose. Les concordances entre les deux sont évidentes. Même soumission humble, même docilité, même absence de critique envers l’hypnotiseur comme envers l’objet aimé. Même résorption de l’initiative personnelle ; aucun doute, l’hypnotiseur a pris la place de l’idéal du moi. Simplement, dans l’hypnose les rapports sont encore plus nets et plus intenses, si bien qu’il’ conviendrait plutôt d’expliquer l’état amoureux par l’hypnose que l’inverse”.
Et FREUD d’ajouter dans le même texte un peu plus loin (P. 180) :
“L’hypnose -résoudrait pour nous, sans la moindre difficulté, l’énigme de la constitution libidinale d’une foule, si elle ne comportait encore elle-même des traits qui se soustraient à l’explication rationnelle fournie jusqu’à présent -état amoureux avec exclusion , des tendances directement sexuelles. Il y a encore beaucoup de choses en elle, dont il faut reconnaître qu’elles sont incomprises, -mystiques”.
Et toujours dans le même texte (p. 196)
“L’hypnose peut prétendre à juste titre à cette appellation : une foule à deux”.
FREUD rajoute une note à propos de la suggestion où il fait la différence entre Hypnose et Suggestion (p. 196/197) :
“Selon BERNHEIM, il faut faire découler les phénomènes hypnotiques du facteur suggestion qui n’est davantage explicable. Nous concluons, quant à nous, que la suggestion est une manifestation partielle de l’état hypnotique, lequel a son véritable fondement dans une disposition, inconsciemment maintenue, issue de l’histoire originaire de la famille humaine”.
Ainsi FREUD assimile le lien affectif à autrui à l’Hypnose. Cela pose deux problèmes
* Cela remet en cause le présupposé libidinal
* Cela repose la question du lien affectif à autrui en tant que pure énigme, pur mystère.
Jamais le rejet de la théorie de la suggestion n’a supprimé l’énigme de la suggestion hypnotique. FREUD critique à juste titre la théorie de la suggestion et il retombe sur l’hypnose. Cela pose question.
V.- LES RAPPORTS ENTRE L’HYPNOSE ET LE TRANSFERT
Pour introduire cette question une citation de FREUD qui met sur le même plan le rapport hypnotique et le transfert.
[Psychologie des,foules et analyse du Moi -p. 194]
” Il arrive qu’inconsciemment, la personne en hypnose, concentre véritablement toute son attention sur l’hypnotiseur et se mette vis-à-vis de lui dans la position du rapport hypnotique, du transfert”.
* Les raisons qui ont poussé FREUD à abandonner l’Hypnose
L’hypnose n’entraîne qu’une rémission temporaire des symptômes, est impuissante à vaincre la résistance-de certains sujets et paradoxalement l’hypnose empêcherait d’analyser cette résistance en la supprimant ; elle supprime la résistance et la renvoie à un endroit impénétrable (cf Introduction psychanalyse p. 273).
Auquel il faut rajouter 2 points :
– tout le monde n’est pas hypnotisable
– l’hypnose profonde est rare.
Avant d’inventer la psychanalyse -proprement dite, FREUD va inventer 2 méthodes intermédiaires.
a) La Druckméthode : La main sur le front ou en prenant la tête (cf Emmy Von N ESH p. 39)
b) La méthode dite de concentration (cf avec LUCY R ESH p.85) Lucy R, c’est la patiente qui réplique à un FREUD essayant de l’hypnotiser:” Je ne dors pas.”
“Donc, quand une première tentative n’aboutissait ni au somnambulisme,. ni à des modifications somatiques nettes, j’abandonnais en apparence l’hypnose pour n’exiger que la concentration et ordonnais au malade de s’allonger et de fermer les yeux, afin d’obtenir celle-ci. Sans doute suis-je parvenu ainsi à obtenir le degré le plus élevé possible d’hypnose”.
* Le passage de la cure Hypno-cathartique à la psychanalyse
FREUD à la suite de BREUER reprend la méthode hypno-cathartique (Ma vie et la psychanalyse p. 28) :
“Il s’agit de rattacher des symptômes hystériques à des impressions de la vie et leur levée de par leur reproduction sous hypnose in statu nascendi”.
Elles rejouent l’évènement avec l’intensité de la première fois non sur le mode de la représentation mais sur celui du passage à l’acte (Agieren). Elles mimaient des affects corps et âme.
C’est à nouveau la question de l’affect. Il n’y a d’affect qu’identificatoire, d’émotion que par le biais d’une identification à autrui, au sens d’identification primaire.
FREUD et BREUER découvrent l’efficace de la Catharsis mais curieusement ils vont le théoriser en terme de Diegesis c’est à dire comme narration, remémoration ou verbalisation d’une remémoration. Comme le fait remarquer LACAN, In Ecrits p.254 : Fonction et champ de la parole et du langage :
“Si cet évènement (il s’agit de “l’évènement pathogène dit traumatique”) fut reconnu pour être, la cause du symptôme, cest que la mise en parole de l’un (dans les stories de la malade) déterminait la levée de l’autre. Ici le terme de prise de conscience, – emprunté à la théorie psychologique qu’on a aussitôt donnée du fait, garde un prestige qui mérite la méfiance que nous tenons pour de bonne règle à l’endroit des explications qui font office d’évidences. Les préjugés psychologiques de l’époque s’opposaient à ce qu’on reconnût dans la verbalisation comme telle une autre réalité que son flatus vocis. Il reste que, dans l’état hypnotique, elle (la verbalisation) est dissociée de la prise de conscience, et que ceci suffirait à faire réviser cette conception de ses effets”.
Pourquoi FREUD et BREUER ne retiennent-ils que la remémoration consciente de l’évènement traumatique alors que celle-ci a lieu en état d’hypnose, état d’inconscience, d’oubli de soi.
Et ceci est très important,- car en fondant la psychanalyse proprement dite FREUD ne va garder qu’un seul élément celui de la remémoration consciente. Il laisse tomber la catharsis pour la Diegesis avec un dispositif purement narratif, démimétisé, désaffectisé.
* La question est la suivante En abandonnant l’hypnose FREUD abandonne la Mimésis c’est à dire la Catharsis. Est-ce qu’ainsi il n’abandonne pas l’efficacité des cures. C’est une question qui vaut la peine d’être travaillée.
La question de la Mimésis et de la Catharsis.
Catharsis : Celle-ci renvoie chez Aristote à l’imitation dramatique par opposition à la narration. Chez Platon, la Catharsis correspond à la Mimésis où l’énonciateur joue un personnage plutôt qu’à la Diégésis où il raconte les évènements.
Mimésis : L’auteur acteur tragique prononce un discours sous le nom d’un autre, en l’imitant, en mimant le personnage. L’énonciateur joue un personnage au sens fort il est le personnage. C’est le problème de la création théâtrale (Mimésis, c’est une façon de dire : Lexis].
La Mimésis s’oppose à la Diégésis qui correspond au récit.
La Mimésis est donc très différente de l’imitation, de la simulation. Cela renvoie, traduit l’iidentification mimétique hystérique.
La Mimésis c’est par exemple la citation directe.: Le sujet en hypnose dit : “je vois une fleur”, au lieu de dire, il m’a dit : “Vous voyez une fleur”.
Il y a identification du sujet en hypnose à l’opérateur (hypnotiseur). L’hypnotisé interprète un rôle dont les grandes lignes lui sont présentées par l’hypnotiseur.
C’est pourquoi il est capital de faire la différence entre. Hypnose et Suggestion. Ce qui compte c’est l’écart de créativité,de spontanéité, de jeu de l’hypnotisé par rapport à ce qu’a dit le dit hypnotiseur.
De la même façon il faut se garder de rabattre la Mimésis sur l’imitation en miroir (pour la même raison).
La Catharsis ou la Mimésis c’est le phénomène de l’identification qui peut porter sur des rôles réels ou mythiques accompagné ou non de l’animation de l’acteur (cf LACAN Ecrits p.255)
On retrouve la question de l’identification primaire
Vous vous rappelez les propos de FREUD dans Psychologie de foule et Analyse du Moi, que je rapportais tout à l’heure à propos de cette identification au père ou plutôt aux parents indistinctement, antérieure à toute constitution d’un moi.
“C’est une identification directe, immédiate, plus précoce que tout investissement d’objet”.
Et B.J. la formule ainsi cette identification primaire :
“Un non sujet devient moi en s’identifiant à un autre qui n’en est pas un. Le fondement est lui-même sans fondement”. L’autre que je m’incorpore pour être un “moi” s’évanouit dès l’origine dans un passé qui n’a jamais été présent.
Voilà pourquoi ce passe est oublié avant tout refoulement et toute remémoration possible. N’ayant jamais eu lieu dans le temps il a lieu tout le temps et c’est pourquoi on le retrouve dans l’hypnose et dans le transfert.
C’est le problème des possédés, des somnambules, des pythies et des Médiums. “Je ne suis pas moi-même, je suis un autre”.
C’est l’efficace des cures hypno-cathartiques comme le dit FREUD : le traitement hypnocathartique imite la maladie qu’il guérit (ESH). Ou comme le formule B.J. : “C’est la Catharsis de la Mimésis par la Mimésis. C’est à dire la Catharsis des troubles de l’identité par la transe de possession.
La Mimésis c’est une parole à la cantonnade jouée et agie devant autrui. Voilà ce qui demandait à être reconnu par l’autre : l’absence de distinction entre le Moi et l’autre (ou l’Autre) entre le sujet de l’énonciation et le discours de l’Autre comme sujet de l’énoncé”.
Ainsi, les thérapies traditionnelles symbolisent le mal comme une possession (par un autre, esprit ou démon) et elles le guérissent en le paroxysant sous la forme de transe de possession. [Voir le texte de J. FAVRET SAADA les désorceleurs du Bocage].
Il s’agit de reconnaître cette absence d’identité. C’est ça la transe. (je ne suis pas moi-même, je suis un autre).
Il ne s’agit pas dans l’hypnose de supprimer le mal dont souffre le patient (son absence d’identité, sa folie mimétique) mais, de l’attester au terme de son aggravation spectaculaire rituelle. Il importe avant tout qu’il soit pris en charge, suscité, cultivé par la dite thérapie.
François ROUSTANG (In Influence p. 47) rapporte et commente un cas de Milton E. ERICKSON (In Hypnose Thérapeutique Quatre conférences (p. 58) où celui-ci nous montre tout son art à savoir y faire avec le symptôme.
Il s’agit d’une femme qui souffre de douleurs chroniques et pour laquelle Milton ERICKSON va utiliser des métaphores très simples de ce que peut faire le corps humain pour se protéger de la douleur. Celui qui jardine se fabrique des callosités au niveau des mains, celui qui mange de la nourriture épicée se fabrique des callosités au niveau de la langue ; et ERICKSON propose à la patiente de se fabriquer des callosités le long de ses terminaisons nerveuses. Bien sûr tout cela n’est pas très scientifique et ERICKSON le reconnait volontiers. C’est sa façon de faire avec le symptôme au lieu d’essayer d’induire une analgésie ou une anesthésie hypnotique qui chez cette patiente n’avait aucun sens.
“ERICKSON se plaignait des thérapeutes qui “essayent de rassurer leurs patients : ils essayent de déposséder leurs patients de la réalité de leur symptômes plutôt que d’accepter et de travailler avec cette réalité” [M.ERICKSON l’Hypnose Thérapeutique p. 61].
Commentaire de F. ROUSTANG :
“La limite du pouvoir du thérapeute * est donc d’abord, selon Erickson, la reconnaissance du pouvoir du patient en ce qu’il possède de plus cher, sa souffrance. Il n’est pas question de s’en défaire. Bien plutôt, il s’agit qu’il puisse se l’attribuer véritablement, alors qu’il ne faisait jusqu’à présent que la subir. (In Influence p.48)
L’efficace des cures :
Ce n’est pas la prise de conscience comme le pensait FREUD.
Ce n’est pas la verbalisation de l’évènement son hypnose comme le pensait LACAN.
C’est plutôt la Mimésis : ce passage du sujet par une autre identité. Les sujets se laissent parler par un autre en le mimant. Toutes les thérapies ont toujours comporté un temps de transe, d’évanouissement de soi. [voir plus haut la citation de MANONNI : le transfert est ce qui nous reste de la possession.
* Le transfert est venu immédiatement déranger le dispositif purement narratif de l’analyse.
1) La première apparition du concept de transfert on la trouve dans les Etudes sur L’Hystérie lorsque FREUD-raconte le cas de.Caecilia : La patiente qui, à la fin d’une séance, est venue le serrer dans ses bras [ESH p.245/246]
“Dans -cette mésalliance -à laquelle je donne le nom de faux rapport l’affect qui entre en jeu est identique à celui qui avait jadis incité ma patiente à repousser un désir interdit. Depuis que je sais cela, je puis, chaque fois que ma personne se trouve ainsi impliquée, postuler l’existence d’un transfert et d’un faux rapport. Chose bizarre, les malades sont en pareil cas toujours dupes”.
Et il va théoriser dans le même texte le transfert comme résistance.
2) Dans le cas Dora il parle des transferts (Dora p.87-88)
“Les transferts sont de nouvelles éditions, des copies des tendances et des fantasmes qui doivent être réveillés et rendus conscients par les progrès de l’analyse, et dont le trait caractéristique est de remplacer une personne antérieurement connue par la personne du médecin. Autrement dit, un nombre considérable d’états psychiques antérieurs revivent, non pas comme états passés, mais comme rapports actuels avec la personne du médecin”…
“Si des névroses guérissent aussi dans des maisons de santé où aucune méthode psychanalytique n’est employée, si l’on a pu dire que l’hystérie est guérie, non par la méthode, mais par le médecin, si une sorte de dépendance aveugle et d’attachement perpétuel se manifeste d’ordinaire du malade au médecin qui l’a délivré de ses symptômes par la suggestion hypnotique, l’explication scientifique en réside dans les transferts que le malade effectue régulièrement sur la personne du médecin. La cure psychanalytique ne crée pas le transfert, elle ne fait que le démasquer comme les autres phénomènes psychiques cachés”.
Il y a donc ressurgissement du rapport hypnotique dépendance, soumission, valorisation du médecin.
3) La relation actuelle du malade est comprise comme la représentation ou la reproduction déplacée d’un lien affectif à une Dritte Personner aimée ou haïe
“Contraint de rejouer une vieille pièce, il la reproduit* de façon palpable, présente, au lieu de s’en souvenir” (FREUD In Laïenanalyse Ma vie et la Psychanalyse p.153).
D’où la question le transfert n’est pas une résistance parmi d’autres mais la résistance à l’analyse, la résistance majeure. [Je vous rappelle cette intervention de MANONNI au séminaire de LACAN sur les Ecrits Techniques où il dit que “la résistance pointe le nez par le bout transférentiel”.
– L’analyse des résistances devient l’analyse du Transfert. Le.. transfert devient le ressort et l’obstacle de la cure.
A partir de là il devient difficile de distinguer l’Analyse de l’hypnose :
Comme le dit ROUSTANG In “Elle ne le lâche plus”
“Que l’analyste parle ou non, suggère ou non : Au lieu de parler des amours passés, le patient aime son analyste, ne pense qu’à lui, se soumet à ses conseils, accepte toutes ses interprétations et constructions, ajoute une foi aveugle à la théorie psychanalytique”.
Dans Ma vie et la Psychanalyse p.53, FREUD après avoir rappelé le moteur qu’est le transfert tant qu’il est modéré et tendre, quand il devient passionné et hostile, il devient l’instrument de la résistance.
“Une analyse sans transfert est une impossibilité. Il ne faut pas croire que l’analyse crée le transfert et que celui-ci ne se produise que dans l’analyse. L’analyse ne fait que découvrir et isoler le transfert. Le transfert est un phénomène humain général, il décide du succès dans tout traitement où agit l’ “ascendant” médical bien plus, il domine toutes les relations d’une personne donnée avec son entourage humain. Il n’est pas difficile de reconnaître en lui le même facteur dynamique que les hypnotiseurs ont dénommé suggestibilité, qui est l’agent du rapport hypnotique et du caprice duquel la méthode cathartique trouva à se plaindre”.
Ce que l’analyste redécouvre dans le transfert c’est la suggestibilité du côté du patient et la suggestion fut, elle, non intentionnelle du côté de l’analyste.
Ainsi FREUD in l’Au-delà du principe du plaisir, In Essais de Psychanalyse p. 57
“La psychanalyse était avant tout un art d’interprétation comme la tâche thérapeutique n’était. pas pour autant liquidée, on-fit aussitôt un pas de plus en se proposant d’obliger le malade à confirmer ses propres souvenirs la construction de par l’analyste. Par cet effort, l’accent se trouva déplacé sur les- résistances du malade ; tout l’art fut alors de découvrir ces résistances le plus tôt possible, de les montrer au malade :et de l’inciter à l’abandonner, en usant de cette influence qu’un homme peut exercer sur un autre (.c’est ‘là qu’intervient la suggestion opérant comme .”transfert”.
Comment distinguer l’analyse de la suggestion, voire de l’hypnose.
Comment garantir que les remémorations du patient ne soient pas des pseudo remémorations des remémorations par transfert comme chez Anna 0. ou Emmy VON N. C’est à dire du type “Vous voyez cette fleur” … “je vois cette fleur”.
* A toutes ces questions FREUD va répondre par la dissolution du transfert
L’analyse suscite la Névrose de transfert, ressuscite le rapport (hypnotique) mais c’est pour mieux le détruire en le rapportant au passé du patient.
FREUD In Ma vie et la psychanalyse (p. 54)
“Il est tout à fait exact que la psychanalyse travaille aussi au moyen de la suggestion, comme d’autres méthodes psychothérapiques. La différence est cependant qu’ici la décision quant au succès thérapeutique ne lui est pas abandonnée – à elle ou au transfert. Elle est bien plutôt employée à amener le malade à accomplir un travail psychique- à lui faire surmonter ses résistances de transfert. ( … ) Le transfert., grâce à l’analyse est rendu conscient aux yeux du malade, il est dissous, en ceci qu’on convainc le malade que, dans son comportement de transfert, il revit (wiedererlebt) des relations affectives émanant des investissements d’objet les plus précoces de la période refoulée de son enfance”.
Et dans la 28e Conférence d’introduction (p.430), où toutes ces questions sont longuement discutées, il est à nouveau affirmé qu’en analyse, “on dissout le transfert” :
“Fondamentalement, c’est ce dernier trait qui sépare le traitement analytique du traitement purement suggestif et qui libère les résultats analytiques du soupçon d’être des succès dus à la suggestion. Dans tout autre traitement suggestif. le transfert est soigneusement ménagé, laissé intact, dans l’analytique, il est lui-même l’objet du traitement et il est décomposé dans toutes les formes qu’il revêt. A la fin d’une cure analytique, le transfert doit lui même être écarté, et si dès lors on obtient un succès durable, celui-ci ne repose pas sur. la suggestion, mais sur le surmontement dérésistances internes obtenu grâce à son aide”.
La différence donc entre l’analyse et l’hypnose tient uniquement à la dissolution ou non du transfert. Dissoudre le transfert : c’est à dire faire passer le patient au récit, à la remémoration, restituer au patient et à ses souvenirs ce qui est transféré sur la Dritte personne. La Psychanalyse devait commencer là où cessait l’hypnose et on découvre que la psychanalyse commence au moment de sa fin. Ce n’est que parce qu’il y a dissolution du transfert, qu’il y a différence entre Hypnose et Analyse.
Comment déterminer si une analyse est terminée, si le transfert est réellement levé ? Qu’est-ce que le transfert ou l’hypnose ? Nous sommes ramenés à l’énigme dont nous sommes partis : le lien affectif (le gefühlsbindung), ce rapport sans rapport à autrui.
Est-il possible de le dissoudre dans la mesure où il est constitutif du sujet et comme tel : immémorable, inénarrable, irreprésentable, indissoluble.
Le transfert est résistance à la remémoration. L’inconscient s’exhibe à nu dans le transfert, mais dans une sorte d’inconscience, exclusive de représentation et de remémoration.
Si le transfert résiste au souvenir c’est parce qu’il est
– transfert d’affect
– et que l’affect est toujours perçu au présent
– le transfert par ailleurs est intemporel. Il est agi (au sens. d’actualisé) au présent, hors mémoire et hors représentation. On retrouvé la Catharsis, Mimésis. Enfin le transfert est régi par les processus primaires inconscients.
L’amnésie propre à l’Inconscient peut-elle être levée ?
l’ICS comme résistance à la remémoration (au-delà p.59)
L’affect peut-il être narré ?
Le transfert peut-il être dissout ?
Mars 1992.
(1) Ce texte est reproduit avec l’aimable autorisation de Madame Anne Tauber son épouse.
(2) Bien que la bibliographie de cet exposé soit absente, les références qui introduisent les citations permettront aisément au lecteur de retrouver les textes et les passages auxquels cet exposé fait référence.
(3) L’auteur de ce texte, psychiatre psychanalyste et hypnothérapeute, nous a malheuresement quitté prématurément. Cette disparition est une perte non seulement pour ses proches et tous ses amis mais aussi pour tous ceux qui s’intéressaient à la façon originale dont il avait introduit une approche hypnotique dans le traitement de ses patients alcooliques : une indication particulièrement difficile. Car il faut le rappeller l’hypnothérapie se développe actuellement essentiellement à travers les intuitions thérapeutiques de praticiens cherchant à adapter l’hypnose aux besoins particuliers de leurs patients.
ICS : Inconscient
(1) Expériences de BERNHEIM, auxquelles j’ai assisté en 1889 à Nancy. Il m’est permis aujourd’hui de récuser les doutes concernant l’authenticité de tels phénomènes d’hypnose.