Hypnose et Psychopathologie
Interview de Gaston Brosseau, psychologue et hypnothérapeute.
Dans cette interview, Gaston Brosseau évoque les rencontres et événements qui ont marqué son parcours d’hypnothérapeute. Il présente également l’atelier qu’il proposera en juillet à l’IFH et aborde la façon dont les professionnels de la santé peuvent travailler avec les patients souffrant de troubles de la personnalité, en s’appuyant davantage sur leur créativité.
1. Pouvez-vous nous synthétiser votre rencontre avec l’hypnose en quelques dates et rencontres ?
1979 – Participation à mon tout premier atelier d’hypnose. Mon impression suite au test du SHSS (échelle de Stanford, NDLR) : l’hypnose n’est que ce que je m’autorise à vivre et rien d’autre. Et depuis, mon opinion n’a pas vraiment changé.
1987 – De concert avec Jean-Roch Laurence, qui a développé un laboratoire de recherche en hypnose à l’université Concordia de Montréal, nous organisons nos premières formations au Québec, le tout conforme au programme-cadre de l’ISH.
1988 et par la suite – Très impliqué dans le développement de la Société québécoise d’hypnose, je m’assure de la venue au Québec des ténors de l’hypnose d’Europe, notamment François Roustang, Jean Godin, Didier Michaux, Stefano Colombo, Jean-Marc Benhaiem, André Weitzenhoffer, Yves Halfon, Marie-Élisabeth Faymonville, Claude Virot, Jean Becchio, Élisabeth Pernelle, François Thioly, Francis Gajan, Christelle Mazevet, Jacques Lesieur, Isabelle Célestin, Édouard Collot, et Antoine Bioy.
1990 – 1991 – Début de mes premiers séminaires en France à l’Institut Milton Erickson de Paris (Jean Godin) et à l’IFH (Didier Michaux) qui m’introduiront auprès d’autres dirigeants d’instituts européens.
2001 – Invité depuis lors à enseigner dans les murs de Charcot à la Pitié-Salpêtrière et à Ambroise Paré, un privilège qui ne s’oublie pas.
2005 – Première publication de mon concept « Ne rien faire » dans L’hypnose aujourd’hui. In Press Edition, Paris.
2011 – Publication de mon approche de thérapie et d’hypnothérapie instantanées, dans Changer par la thérapie, Dunod, Paris.
2012 – Comment passer sous silence le fait que le GEAMH (Groupement pour l’Etude et les Applications Médicales de l’Hypnose, NDLR) m’ait décerné le prestigieux Prix Pierre Janet pour l’ensemble de mes travaux sur l’hypnose.
2012 – Publication de mon livre testament « L’hypnose, une réinitialisation de nos cinq sens ». InterEdition, Paris.
À travers toutes ces années, j’ai bénéficié de plus de l’enseignement des Américains, Ernest R. Hilgard, Erika Fromn , Martin T. Orne, Michael Yapko, David Spiegel, Harold P. Golan et Corydon Hammond.
2013 – Immersion en hypnose en Russie auprès des maîtres : Mikhail & Evgeniia Ginzburg, Rashit Tukaev et Sergey Bolsun.
Prise de conscience instantanée en dressant ce bilan. Moi qui pensais être libre de toute influence dans ma conception de mon univers thérapeutique, je dois reconnaître les marqueurs pédagogiques installés dans mon cerveau par ces quelque vingt-neuf personnages très respectés en plus des nombreux collègues-conférenciers que j’ai eu le plaisir d’écouter dans les multiples congrès d’hypnose. Je dis à vous toutes et à tous : MERCI.
2. Qu’est-ce que l’hypnose a changé dans votre approche du patient ?
Une confiance imperturbable dans l’aspect vital du patient à aller mieux. Savoir lui laisser toute la place pour qu’il détermine ce qu’il veut améliorer et non lui proposer notre philosophie d’être. Ce qui suppose que la qualité de notre aplomb et notre alignement professionnels, surtout en hypnose, est primordiale pour que le patient y trouve un point d’appui qui lui permettra de prendre son envol. Il sent alors qu’il est à la bonne place pour sortir de sa stagnation.
3. Plusieurs de vos grands concepts sont maintenant bien connus : les nano-inductions, “ne rien faire”, etc. Quel est celui que vous considérez comme le plus essentiel ?
Mon univers hypnotique est un tout gravitationnel. Chacun de mes vingt concepts est corrélationnel. C’est comme nos enfants, on les aime tous même s’ils ont des habiletés particulières et sont arrivés dans notre vie l’un après l’autre.
4. Début juillet, à l’IFH, vous proposez un thème singulier, une revisite de la psychopathologie adressée à tous les professionnels. Pouvez-vous nous en présenter les grandes lignes ?
Prétentieux à première vue, ce thème nous renvoie à ma quête incessante de tout simplifier et rendre accessibles les méandres de la psychopathologie à mes semblables. J’ai jalonné mon univers hypnothérapeutique de bornes inédites maintenant reconnues par mes pairs lorsque je parle, entre autres, de nanoinductions, de thérapies instantanées, de « ne rien faire », de conscience efficiente, de normalité, d’identité, de mesure du degré d’adaptation, d’aspect vital, d’inductions silencieuses et graphiques, de l’instant zéro, etc. Si vous restez trop souvent sur votre appétit avec votre propre mode d’intervention, cet atelier vous donnera le goût de vous investir autrement en vous appuyant moins sur des auteurs classiques et plus sur la créativité de votre patient et sur la vôtre pour développer un regard neuf sur les aléas ou impondérables de la vie.
5. A la fin de ces deux jours, qu’est-ce que les participants auront appris à faire ou à modifier dans leur pratique ?
Trois acquis déterminants pour oser prétendre utiliser l’hypnose d’une façon efficiente et sans échec. C’est possible même si cela peut soulever le scepticisme des cliniciens orthodoxes.
En premier lieu, les participants auront compris l’importance capitale d’offrir le temps nécessaire au patient lourdement hypothéqué à vous accorder un minimum de confiance et de crédibilité pour l’amener à s’aider. Il est inutile d’aller plus loin en relation d’aide avec lui si ce moment n’est pas identifiable, sous peine d’échec éminent.
En deuxième lieu, savoir mettre de l’ordre dans vos préjugés de clinicien, par exemple qu’il faut une période d’aménagement psychique relativement longue pour que le patient progresse. Depuis plus de trois décennies, je démontre le contraire chez des centaines de patients prépsychotiques ou mal en point diagnostiqués comme tels par des psychiatres chevronnés. L’on peut se fier à la pérennité de l’hypnothérapie instantanée en constatant le très faible taux d’abandon ou de récidive.
Et en troisième lieu, comprendre une fois pour toute dans sa vie de clinicien que ce qui est primordial c’est nommément qui vous êtes aux yeux de votre patient plutôt que ce vous possédez comme diplôme. Ici, je fais référence à la capacité mutuelle d’acceptation inconditionnelle. Votre notoriété n’a jamais guéri un seul de vos patients. N’oubliez pas que la clientèle spécifique victime de troubles psychopathologiques sévères n’a pas ou rarement d’idée sur vos compétences reconnues, facteur qui peut jouer chez d’autres clientèles. Alors, avec un peu de modestie vous gagnerez plus facilement leur confiance.
Portrait chinois de l’hypnose par Gaston Brosseau
Si l’hypnose était :
– Une œuvre d’art : L’énigme de la Joconde… comme celle de l’hypnose !
– Un personnage : Qui d’autre que Fabrice Luchini récitant Variations Fables de La Fontaine. Hallucinant pour vous en faire perdre vos repères.
– Un lieu : Evidemment… la Brossosphère. Élémentaire, mon cher Watson!
– Un animal : Un caméléon pour son savoir-jouer avec la confusion.
– Un élément de la nature : Le Sahara… pour ses mirages.
– Une musique : Spontanément : le Boléro de Ravel… pour ses 16 mouvements ad nauseam des plus hypnotisants.
– Si l’hypnose était contenue en une question ? To Be or Not to Be in Hypnosis… That Is the Question.
– Si l’hypnose était un souhait, quel serait-il ? Ne rien faire d’autre !
Atelier-Conférence
La psychopathologie revisitée au risque de l’hypnose instantanée
2 et 3 juillet 2016 à Paris