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Portrait d’hypnothérapeute – 5 questions à… Sophie Cohen

Psychologue de formation, Sophie Cohen utilise l’hypnose ericksonienne en hypnothérapie et en hypnoanalgésie.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ? (formation, expériences, fonctions actuelles)

Pour me présenter, je ne commencerais pas par mes études ! Ce sont mes expériences de vie, à Madagascar puis au Kenya, qui m’ont sans doute déterminée, en m’amenant à prendre en compte plusieurs perspectives. En effet, être élevée dans des coutumes très éloignées de celles de la France où je suis née, dans des bains de langues et de représentations multiples, m’a imprégnée et a développé ma curiosité et mon ouverture d’esprit. Je me suis souvent insurgée contre une pensée unique se réclamant de « la » vérité !
Pour mieux comprendre et chercher à ordonner mon vécu, j’ai fait des études de psychologie à Paris V. Parallèlement et parce qu’intéressée par les sciences de l’éducation, j’ai suivi ce cursus jusqu’en licence.
Au cours de mes études, deux professeurs m’ont particulièrement marquée :
– Marc-Olivier Descamps, professeur de Psychologie Sociale, qui proposait une approche ouverte et qui a notamment écrit sur le rêve éveillé.
– Alain Lieury, professeur de Psychologie Différentielle. J’appréciais sa grande ouverture alliée à sa rigueur scientifique. J’ai eu la chance de travailler avec lui sur les différences interindividuelles du stade préopératoire chez Piaget. Un sujet certes pointu mais néanmoins passionnant !
J’ai également eu la chance d’être parmi les stagiaires du « lieu de vie » de la petite école de Bonneuil avec deux éminents psychanalystes « hors tout » que sont Octave et Maud Mannoni. Cette expérience hors institution, éloignée de tout « prêt-à-penser », m’a profondément marquée.
En effet, si la psychologie clinique me motivait, les approches alors enseignées ne me convenaient pas. Je les trouvais globalement bien prétentieuses et inadaptées car ne tenant pas compte des spécificités individuelles et/ou culturelles.
Alors que j’ai commencé à travailler tôt – diplômée à l’âge de 22 ans – en qualité de psychologue en entreprise ou en cabinet dans les secteurs de la violence urbaine par exemple, j’ai continué à me former dans des instituts privés. J’ai approché l’analyse transactionnelle, la PNL et suis venue ensuite à l’hypnose. Il me semblait qu’il fallait que je « roule ma bosse » avant de pouvoir accompagner des personnes dans leur parcours de vie.

Comment êtes-vous venu à la pratique de l’hypnose et qu’est-ce que cette méthode vous a apporté ?

C’est grâce à deux amis cardiologues que j’ai eu connaissance de l’Institut Milton Erickson de Paris. L’approche de l’hypnose était alors encore très confidentielle. J’ai commencé mes lectures par « la nouvelle hypnose » de Jean Godin. J’y ai trouvé des formateurs passionnants, passionnés et une approche sur mesure.
Je me souviens de ma première rencontre avec Joyce Mills qui était tellement encourageante et stimulante. De la venue de Jeffrey Zeig qui nous parlait d’aérobic pour thérapeutes !
Ce sont les interventions de Milton Erickson, telles qu’on peut les lire ou telles qu’elles sont racontées par ses élèves, qui m’ont fascinée. Enfin un thérapeute sans théorie, observant ses patients et totalement à leur écoute, respectant les spécificités de chacun, cherchant à « être sur mesure » ! Il convient simplement, comme disait Milton Erickson, d’observer ses patients qui viennent avec leur problème et leur solution ! Si cette phrase me semblait incroyable, elle me paraissait tellement juste. Il s’agissait d’intervenir dans le cadre des croyances du patient ! L’hypnose ericksonienne m’a amenée à encore mieux accueillir l’autre et ce qui le constitue, à lire, à chercher toujours et encore.

On a souvent dans nos pratiques “le” cas, celui qui nous a fait comprendre quelque chose d’important, ou qui nous a fait “grandir” plus rapidement dans la pratique. Avez-vous déjà connu cela avec un patient ?

Je ne me souviens pas « du » cas. Je sais que j’éprouve toujours ce même émerveillement devant la façon dont les patients se saisissent de cette approche. Chacun de mes patients m’a fait grandir et réfléchir. Chacun d’eux m’a émerveillée. Il suffit d’accueillir et d’observer la singularité de chacun et de travailler avec ses ressources. Toutes les personnes que j’ai eu la chance d’accompagner m’ont fait grandir.

Votre parcours vous a amené à rencontrer de nombreux intervenants et praticiens, et vous-même avez une clinique à la fois complète et très pratique. Comment pourriez-vous caractériser votre approche en hypnothérapie ? Quelles sont les dimensions, éléments ou concepts qui vous tiennent à cœur ?

Ce sont par dessus tout les dimensions de respect et de liberté de l’hypnose qui me tiennent à cœur. J’accompagne mes patients à remettre du mouvement là où il y a une fixation, un arrêt, en s’appuyant sur leurs ressources.
Il s’agit aussi de s’appuyer sur les dimensions culturelles ou transculturelles pour permettre à chacun de reprendre et de continuer sa vie, d’intégrer, de métaboliser d’une certaine façon, la ou les douleurs de vie, d’adopter une posture de bien-être. C’est aussi accompagner chacun à vivre chaque instant car c’est ce que nous avons de plus précieux.

On assiste actuellement à un accroissement important des thérapies utilisant indirectement ou directement des états de conscience modifiée, tels que l’EMDR ou encore le mindfulness / thérapie de la pleine conscience. Qu’en pensez-vous et comment vous situez-vous par rapport à ces méthodes?

Il y a des approches qui sont plus ou moins directement apparentées à l’hypnose, comme l’EMDR ou la sophrologie par exemple, qui sont ses filles d’une certaine façon. Cependant, l’hypnose peut aussi s’enrichir d’autres approches. Je lis beaucoup, j’adore me former et m’informer de sorte de repousser un peu mes limites et de pouvoir mieux apporter à l’autre qui me fait cet honneur de venir me rencontrer pour aller dans le sens de son bien-être. C’est ainsi que je propose d’intégrer dans l’approche hypnotique certains outils développés par des thérapeutes issus de la thérapie comportementale et cognitive, du mindfulness par exemple.


Le Portrait Chinois de l’Hypnose par Sophie Cohen

à partir de l’oeuvre de Magritte “le thérapeute“*

Si l’hypnose était une ouvre d’art, quelle serait-elle ?

Pour répondre à cette question, je vais vous raconter comment j’ai découvert le tableau qui me semble le mieux représenter l’hypnose ! Il y a quelques années, j’ai visité le musée Magritte de Bruxelles, je suis tombée en arrêt devant un tableau intitulé « le Thérapeute ». Magritte, qui affectionnait particulièrement ce tableau, en a fait plusieurs représentations et même une statue de bronze « grandeur nature » dont il avait un exemplaire chez lui.
J’ai travaillé sur ce tableau pendant de nombreux mois. Il m’a fait réfléchir à la question du thérapeute utilisant l’hypnose. Cette représentation surréaliste me semble bien illustrer ce qu’est l’hypnose. J’ai eu le plaisir de partager ces réflexions avec un groupe à l’IFH récemment.

Si l’hypnose était un personnage, quel serait-il ?

Pour poursuivre mes réponses, je propose de conserver ce tableau.

En effet, parmi les questions soulevées par cette œuvre, l’une d’entre elle est cruciale : qui est le thérapeute ? Est-ce celui qui regarde le tableau ou celui qui est représenté sur le tableau ? Comme ce n’est pas vraiment un personnage qui est représenté, est-ce une fonction ? Justement, le tableau de Magritte nous propose que le thérapeute est peut être celui qui regarde le tableau : le spectateur. Le thérapeute peut donc être vous ou moi. En hypnose on active les ressources du patient, Magritte a représenté ce thérapeute sans visage car il peut être chacun de nous.
Ce sont davantage les caractéristiques du thérapeute qui le personnifie. Magritte lui donne un chapeau, une canne, une couverture et une cage ouverte (en lieu de la cage thoracique) qui abrite deux colombes dont l’une est prête à s’envoler.
Cette œuvre fait écho à deux approches d’hypnothérapeutes : celle de Joyce Mills et celle de François Roustang. Joyce Mills utilise la métaphore du papillon pour dire que nous sommes comme un papillon dans ses différents états et étapes de vies : œufs, puis chenille, chrysalide puis papillon. Les colombes abritées dans cette cage ouverte ne seraient-elles pas la représentation d’un patient qui vient un temps se mettre à l’abri pour attendre sa métamorphose et s’envoler ? Ce tableau me semble aussi entrer en résonnance avec l’approche de François Roustang : « savoir attendre pour que la vie change ». Tous les éléments contenus dans le tableau de Magritte inspirent la quiétude, la tranquillité et la force nécessaire au changement.

Si l’hypnose était un lieu, quel serait-il ?

Je vais conserver la représentation de Magritte pour répondre. Le tableau a été représenté de nombreuses fois. Les multiples représentations nous montrent des contextes et ou lieux différents. Il me semble donc qu’il n’y a pas de lieu spécifique à l’hypnose, tous les lieux et toutes les cultures sont possibles. Isabelle Célestin Lhopiteau dans son livre « changer par la thérapie » nous rappelle que la transe est utilisée partout.

Si l’hypnose était un animal, quel serait-il ?

Est-ce une réponse acceptée et acceptable si je parle de l’homme et de la femme comme animal !

Si l’hypnose était un élément de la nature, quel serait-il ?

Je ne suis pas certaine de pouvoir répondre à cette question. En effet, l’hypnose me semble non pas être un élément de la nature mais l’ensemble des éléments de la nature dans leur diversité et leurs interactions.
L’hypnose permet de refaire des associations, de mettre du mouvement là où « la maladie » avait créé une fixation entre divers éléments de la vie d’une personne. L’hypnose permet de refaire des liens entre la vie de cette personne et son environnement. En d’autres termes, l’hypnose permet de remettre de l’harmonie entre divers éléments, de recréer les correspondances entre les différents éléments de la nature. Le ciel est en relation avec la terre, les reliefs de la géographie en lien avec le climat, les arbres avec la faune, la flore avec …
Je pourrais répondre d’une autre façon en reprenant le tableau de Magritte. Dans ce tableau, et quel que soit sa représentation, il existe quatre versions de ce même thème, la nature est représentée dans différents états : le ciel à différentes saisons, la terre dans sa variété, la mer avec ses nuances de couleur…

Si l’hypnose était une musique, quelle serait-elle ?

Puis-je encore utiliser la métaphore du tableau ? Un tableau s’écoute ! En effet, si l’on rentre dans le tableau on peut entendre ce qui se dit, ce qui ne se dit pas, ce qui est pensé et suggéré par le peintre. On peut entendre la nature : le vent, le silence, le bruissement des ailes des oiseaux, la mer… ma réponse sera donc les musiques de la vie.
Une autre réponse pourrait être toutes les musiques. En effet, toutes les musiques suggèrent. Certaines musiques nous parlent, nous émeuvent (nous mettent en mouvement) davantage que d’autres parce que nos histoires de vie sont toutes différentes et les moments de vies où nous les écoutons font que certaines musiques entrent en résonnance plus ou moins.

Si l’hypnose était un souhait, quel serait-il ?

Ce que nous faisons : l’enseigner, la partager de sorte que nous puissions en bénéficier et en faire bénéficier nos patients.

* Les différentes versions du tableau de René Magritte “Le thérapeute” sont accessibles via google image

Mise en ligne : avril 2012