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hypnose et anesthésie

Techniques d’hypnoanalgésie : Favoriser la participation du patient et son confort

Par Gilda Pardey Bracho

Gilda Pardey Bracho, médecin PH en anesthésie-réanimation dédiée à la neuroanesthésie à l’hôpital neurologique Pierre Wertheimer de Lyon.
Capacitaire en évaluation et traitement de la douleur. Formée par l’IFH à l’hypnose et la communication hypnotique en anesthésie.
Dans cet article paru dans la revue “hypnose et thérapies brèves”, elle propose des illustrations concrètes de l’usage de l’hypnose en neurochirurgie.


“En neurochirurgie certaines procédures, en particulier de type fonctionnel, méritent des états alternant entre la sédation/analgésie (moments inconfortables et/ou douloureux) et l’état de conscience critique, afin d’évaluer l’efficacité de la procédure chirurgicale : électrode correctement placée, amélioration des symptômes lors de la stimulation corticale ou médullaire, et absence d’effets indésirables lors de la stimulation/résection chirurgicale.

Les techniques d’hypnoanalgésie/hypnosédation, associées à une anesthésie locale (AL) ou locorégionale (bloc des nerfs du scalp ou BNS), sont idéales pour favoriser la participation du patient pendant l’évaluation neurologique avec un meilleur vécu de la procédure (en particulier chez les patients douloureux chroniques), améliorant le confort avec une moindre consommation de médicaments anesthésiques. D’autres types de procédures de type diagnostiques (biopsies stéréotaxiques ou guidées par la neuronavigation) se prêtent aussi à ce type de prise en charge, même si la participation du patient n’est pas nécessaire.

L’utilisation de l’hypnose en neurochirurgie a déjà était décrite en France (1-2), pourtant les publications sur le sujet sont rares. La technique d’hypnose conversationnelle/hypnose formelle utilisée est adaptée à chaque patient en fonction du contexte, son imaginaire et son histoire personnelle, avec une induction de la transe (selon le cas), un entretien et des suggestions posthypnotiques (en respectant les consignes d’usage), puis une réassociation.

Voici quelques cas cliniques de prise en charge anesthésique à l’aide de l’hypnose.

Paëlla et névralgie du trijumeau

Monsieur A.M. souffre d’une névralgie trijéminale gauche du V3, avec un fond douloureux permanent sans élément paroxystique, rebelle et pharmacorésistante, due à une sclérose en plaques évoluant depuis 2015. La procédure, qui nécessite l’introduction de l’électrode par la voie percutanée (de Hartel) guidée par radioscopie, ne se fait plus sous anesthésie locale, car cette dernière ne permet pas d’évaluer correctement l’efficacité de la procédure sur le territoire thermocoagulé (analgésie, hypoesthésie). La prise en charge anesthésique doit s’adapter pour obtenir des moments confortables avec le patient éveillé et capable de répondre à l’évaluation et un niveau adéquat d’hypnoanalgésie et sédation pour les moments douloureux (thermocoagulation).

M. A.M. arrive au bloc opératoire sans prémédication et très angoissé, en transe négative, focalisé sur sa maladie qui est de plus en plus évolutive. La communication est difficile, il n’y a pas de sujet de conversation, mais je devine qu’il a des origines espagnoles par son nom de famille.

– « Effectivement, mes parents sont espagnols, et j’adore les plats préparés par ma mère, surtout el cocido y la paëlla, mais elle est âgée pour cuisiner.

Et vous pouvez me dire… ce qu’elle met dans… son cocido ? (Distraction pendant que j’installe la perfusion.) Et la paëlla, savez-vous la préparer ?

– Bien sûr ! »

Entre-temps la perfusion intermittente de rémifentanil contrôlée par sédation à objectif de concentration (SIVOC) commence, et le neurochirurgien s’apprête à placer le trocart sous scopie. Les repérages radioscopiques et électrophysiologiques confirment la bonne position de l’électrode. Avant la termocoagulation test (60 secondes à 75°C), une saturation et « injection de mots » débute pour améliorer le confort du patient : « Mettez-vous des escargots dans la paëlla ? » (Confusion.) Deux thermocoagulations à 75°C sont effectuées, avec un bon résultat d’analgésie et hypoesthésie.

En Salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI), M. A.M. est content de cette expérience, sans douleurs, et soulagé.

Métaphore du bouclier lombaire chez un patient douloureux chronique

La pose percutanée d’électrodes de stimulation médullaire percutanée (similaire à une péridurale) est indiquée chez les patients présentant des douleurs chroniques des membres inférieurs. Cette procédure nécessite un état de conscience critique afin de déterminer la bonne localisation de l’électrode couvrant la zone douloureuse par les paresthésies lors de la stimulation.

Monsieur P. a des douleurs neuropathiques chroniques des membres inférieurs. Après plusieurs échecs des traitements médicamenteux, l’implantation d’électrodes de stimulation médullaire par voie percutanée a été indiquée sous anesthésie locale et hypnosédation.

Il est très sportif et aime bien les promenades dans le bois (kynesthésie), c’est son lieu de sécurité, il est en liberté de mouvement. L’induction hypnotique a consisté à l’accompagner dans les bois, en commençant par sa préparation préliminaire : une focalisation sur la respiration, une bonne installation sur la table chirurgicale, les vêtements utilisés pour la promenade, « la casquette noire, le camelbak, les chaussettes, les chaussures (dissociation) puis la crème solaire » (préparation cutanée pour la pose de la voie périphérique).

« Pendant la promenade vous entendez les oiseaux… les bruits des feuilles sèches (intégration des bruits dans la salle, ouverture des sacs en plastique du matériel stérile)… un renard sauvage croise votre chemin, vous lèche la main, puis… vous mordille (confusion, métaphore) – et la perfusion est posée sans que le patient s’en aperçoive –, c’est bien, vous pardonnez le renard… et vous l’apprivoisez. » Puis il est installé en décubitus ventral. « Il fait chaud (scialytiques allumés sur le patient)… vous avez besoin de remettre de la crème solaire… vous installez une première couche de… crème protectrice (asepsie chirurgicale) et puis un bouclier lombaire… bien épais qui va vous soulager (mise en place de champs chirurgicaux). Vous entendez peut-être des voix de personnes qui s’approchent (le neurochirurgien et son assistant entrent dans la salle sans respecter le silence), puis le bruit d’un ruisseau (intégration du bruit dans la salle, ouverture des boîtes chirurgicales, installation du matériel sur la table de l’instrumentiste) et vous décidez d’aller vous baigner… une sensation agréable d’engourdissement (AL)… s’installe dans votre dos en contact avec l’eau » (confusion, métaphore).

La chirurgie démarre dans le confort, sous hypnosédation. « Et plus tard, quand vous serez dans votre lit, vous allez être content, soulagé et heureux… en liberté de mouvement… car vous avez bien travaillé » (suggestions posthypnotique). Quelques minutes après mon téléphone sonne, je dois aller voir un patient en SSPI : « Après cette longue promenade… vous décidez de vous allonger un peu… pour faire une sieste méritée… avant de continuer votre chemin. » Le patient s’endort et je le laisse avec une infirmière anesthésiste diplômée d’Etat (IADE). Après mon retour dans la salle, il continue à dormir. Le moment arrive de le réveiller au milieu de la chirurgie pour évaluer l’efficacité de la stimulation. La réassociation est faite, la stimulation couvre avec des paresthésies la zone douloureuse. Puis une nouvelle transe (plus facile) pour finir la chirurgie (formation d’une poche pour les câbles des électrodes et tunnelisation). En SSPI le patient est heureux et euphorique, « c’est une des plus belles expériences que j’ai eues dans ma vie ». Pendant deux jours, les tests de stimulation ont lieu et se passent très bien, un stimulateur définitif est indiqué, cette fois sous anesthésie générale (AG). Par hasard, je dois le prendre en charge. L’induction hypnotique qui accompagne l’induction anesthésique est saupoudrée de suggestions posthypnotiques (confort, soulagement, joie, liberté de mouvement). Après la chirurgie, M. P. est ravi, il se réveille calmement de son AG et il est soulagé, sans douleurs.

Séjour au bord de la mer

Madame X. a une épilepsie chronique depuis longtemps. Plusieurs traitements médicamenteux ont échoué, avec une résistance pharmacologique. Il y a longtemps un stimulateur du nerf vague lui a été implanté. Ce stimulateur n’est plus fonctionnel et doit être enlevé. Mme X. veut tout voir, tout sentir et refuse une AG. Une ablation de son boîtier stimulateur est proposée sous anesthésie locale et hypnose. Elle arrive au bloc en transe négative. L’interrogatoire est difficile, mais elle évoque comme souvenir agréable un voyage au bord de la mer. Difficultés pour la faire entrer en transe positive. L’imaginaire de la mer ne l’aide pas à basculer en transe positive. Mais lors de l’asepsie, la crème solaire qui soigne est évoquée, « une crème qui accélère la cicatrisationcette crème vous laisse profiter du soleil guérisseur ». Mme X se laisse emporter et accompagner par la voix de l’hypnopraticien jusqu’à la fin de la procédure, laquelle s’est déroulée confortablement sous AL et hypnosédation. Les bruits de la salle sont intégrés dans le discours, qui est saupoudré de suggestions posthypnotiques.

Exemple d’induction rapide dans un contexte d’angoisse en salle d’induction

Un parfait épicé à la banane

Madame F. doit se faire opérer en urgence d’une fracture de colonne lombaire déplacée. Alors qu’elle se trouvait en week-end avec sa famille, elle a eu un accident en faisant de la luge et se fracture la deuxième vertèbre lombaire. Elle arrive au bloc opératoire sans prémédication, algique et très angoissée, elle pleure beaucoup.

Rapidement pendant que nous installons les appareils de surveillance, je commence la communication thérapeutique et je prends connaissance de ses loisirs. La pâtisserie sort comme sujet de conversation, et pendant qu’elle décrit la recette d’un parfait épicé à la banane, la perfusion est en place. La détente s’installe, elle sourit et va beaucoup mieux. Avant de commencer l’induction anesthésique, je lui suggère de faire comme si elle était en train de préparer son « parfait à la banane », en utilisant ses propres mots, j’insiste sur le parfum et le goût des épices, et sur le mot « parfait » qui a un double sens. L’anesthésie débute et elle ne ressent pas la gêne de l’injection IV du propofol, « une sensation de chaleur s’installe de partout dans le corps… pendant que vous rajoutez des épices… », saupoudrée de suggestions post-hypnotiques. La chirurgie se déroule sous AG sans complications. Mme F. se réveille calmement, souriante, soulagée. Le lendemain dans sa chambre, nous parlons de son expérience hypnotique, elle est contente de l’avoir vécue, je la félicite et l’invite à s’en servir.

A la quête d’une aiguille dans une botte de foin

Dans un contexte d’urgence. Madame Y. est envoyée au centre de neurochirurgie pour résoudre son problème, en provenance d’un hôpital d’une autre ville. La veille, lors d’une césarienne en urgence (code orange) pour des troubles du rythme fœtal au cours de l’induction avec ocytociques, une rachianesthésie est indiquée. Le médecin anesthésiste n’arrive pas à faire avancer correctement son aiguille de rachianesthésie, et lors du retrait de l’aiguille à travers l’introducteur (calibre 27G), l’aiguille se casse. Une AG est débutée pour la césarienne. La petite fille de Mme Y. arrive au monde en bonnes conditions.

Un contrôle scopique montre le fragment de l’aiguille cassée dans la région lombaire. Plusieurs avis sont demandés. L’avis du neurochirurgien est retenu, et la patiente est transférée en ambulance jusqu’à notre hôpital. Avec l’accord du neurochirurgien, de la patiente et de l’équipe paramédicale, une AL complémentée d’une hypnosédation est décidée, ce qui permettra un retour assez vite de la patiente à l’hôpital de provenance pour continuer la surveillance post-césarienne et pour rejoindre sa famille au plus vite.

Mme X. entre en transe les yeux ouverts pendant qu’elle décrit la chambre qu’elle a préparée pour sa fille, « les murs sont peints en blanc et mauve, les étagères en blanc », elle nous décrit tous les détails jusqu’aux vêtements, les peluches et la table à langer qu’elle a soigneusement achetés pour sa fille. Elle décrit l’émotion qu’elle a éprouvée la première fois qu’elle a serré sa fille dans ses bras. La procédure continue mais le neurochirurgien n’arrive pas à trouver l’aiguille malgré sa visualisation sous scopie. Le temps passe et la douleur de la césarienne est évoquée par la patiente :

– « Elle est comment cette douleur ? (focalisation, réification (3)

C’est comme un gros élastique qui tire beaucoup.

Pouvez-vous l’étirer au maximum en augmentant l’intensité douloureuse ?… lâchez-la pour qu’elle retrouve sa forme initiale… Alors ?

– La douleur diminue, je me sens soulagée.

– Vous voyez, elle est souple… et vous pouvez la faire changer de forme. Pensez maintenant aux sensations agréables des retrouvailles avec votre fille » (distraction, suggestions post-hypnotiques).

Elle me confie qu’elle a éprouvé des moments difficiles lors de son accouchement, de crainte, de perte de contrôle, de ne pas pouvoir s’occuper de sa fille comme il faut, elle se met à pleurer pour libérer ses sentiments jusqu’à présent inhibés, car elle ne voulait pas les dévoiler à son mari.
– « Rassurez-vous… c’est normal d’être triste, de pleurer (écoute, ratification). Vous savez, je connais une amie qui lors de son premier accouchement a eu une césarienne en urgence, comme vous. Elle se sentait frustrée de ne pas pouvoir s’occuper… comme elle voulait de sa fille à cause de la douleur… la tristesse et la fatigue, mais grâce au soutien de son entourage, son mari, sa mère et sa belle-mère, elle a trouvé sa place et elle a pu récupérer petit à petit son énergie… et le soulagement nécessaire pour pouvoir s’occuper de sa fille comme elle en rêvait » (métaphore). L’histoire la soulage et renforce le sentiment d’être accompagnée et entourée.

Le neurochirurgien (probablement en transe aussi) dit à voix haute : « je n’arrive pas à trouver l’aiguille, comme si elle était dans une botte de foin », puis il la retrouvera quelques minutes après. La patiente est soulagée et contente. Les suites sont simples. Je la félicite pour son travail et lui rappelle qu’elle peut s’en servir quand elle en aura besoin, surtout du jeu de l’élastique pour gérer la douleur de la césarienne.

Deux cas d’hypnose dans un contexte de craniotomie en état vigile

Kandinsky au musée de l’Hermitage et Parkinson

Monsieur R. est atteint de la maladie de Parkinson et va bénéficier d’une stimulation cérébrale profonde pour améliorer ses symptômes moteurs. M. R. est très angoissé car le jour J, il ne va pas prendre son traitement anti-Parkinsonien et il a peur de ne pas pouvoir contrôler ses tremblements.

Il arrive au bloc en transe négative, focalisé sur la douleur de ses membres inférieurs. Il refuse de se faire perfuser.

– « Qu’est-ce que vous faites pour vous faire plaisir ?

Après un peu d’hésitation : j’aime bien la peinture, j’aime copier les tableaux de Kandinsky car ses couleurs me donnent de la liberté. Je rêve d’aller un jour au musée de l’Hermitage pour voir ses tableaux. M. R. est plus détendu.

Et si on vous dit que vous êtes invité à exposer… vos copies à côté des tableaux originaux de Kandinsky… au musée de l’Hermitage ? Il faudrait choisir un de vos tableaux. Pourriez-vous me décrire… lequel vous avez choisi pour l’exposition ? Vous saviez que dans ce musée… a eu lieu une histoire d’amour entre Catherine II l’impératrice et Francisco de Miranda… une figure importante de l’histoire d’indépendance vénézuélienne ? » Il se laisse emporter par l’histoire, il est en confiance. M. R. commence à décrire son tableau, je lui demande de bien me parler des couleurs et des formes. La perfusion est en place et les douleurs ne sont plus au premier plan, il est dissocié. Il parle beaucoup, il raconte comment il a découvert la peinture et Kandinsky pendant sa maladie. Entre-temps, je lui fais l’anesthésie locorégionale (BNS) et l’IADE installe la sonde urinaire.

« Peut-être que vous allez mettre… un chapeau protecteur… avec beaucoup de couleurs, les mêmes de votre tableau : du bleu… du vert… du rouge, vous allez choisir sa matière et l’épaissir… afin de renforcer l’anesthésie et le confort (avant la pose du cadre stéréotaxique). Le chapelier est là (neurochirurgien) pour vous aider à l’installer. » Une fois le cadre en place, je l’ai réassocié, il doit partir au scanner avec l’IADE pour les repérages avec son cadre, pendant que je m’occupe d’un autre patient. Il continue à parler de Kandinsky, il passe son scanner cérébral calmement et sans douleurs et retourne au bloc pour continuer avec la procédure, laquelle se déroule très bien et dans le confort avec l’hypnosédation. La stimulation et l’évaluation neurologique se passent sans incidents (conscience critique), puis il bénéficie de l’implantation du boîtier stimulateur sous AG.

En SSPI, une fois extubé et réveillé, il remercie pour son cadeau, sa découverte de l’hypnose. Je le félicite pour son travail et l’invite à s’en servir quand il en aura besoin.

Un patient très doué et la Formule 1

Monsieur C., droitier, est atteint d’un volumineux gliome de bas grade fronto-temporo-insulaire gauche, révélé par des crises comitiales du membre supérieur droit, qui se répètent de manière fréquente malgré le traitement antiépileptique ; mais qu’il arrive à contrôler en les enfermant dans son poignet droit. Selon l’IRM fonctionnelle, sa lésion est en contact avec l’aire du langage. Une craniotomie en état vigile est indiquée. Il se dit être un passionné de Formule 1, c’est le sujet choisi pour l’hypnosédation lors des phases éveillées. Le protocole d’anesthésie de type « asleep-awake-asleep » avec anesthésie loco-régionale est proposé avec l’aide de l’hypnosédation lors des phases d’équipement invasif.

L’exérèse tumorale a eu lieu en condition éveillée pendant qu’il faisait des tests orthophoniques. Pendant l’exérèse sur l’insula, le patient décrit des douleurs intenses, faiblement soulagées par l’administration des antalgiques (morphine, paracétamol). « Je vous invite… à enfermer la douleur dans votre poignet… droit, et vous allez me signaler quand vous serez prêt. Maintenant, vous allez la jeter loin » (effet antalgique). Toujours pendant l’exérèse, le champ opératoire s’inonde de sang, le chirurgien n’arrive pas à faire une bonne hémostase. Les suggestions de Milton Erickson m’arrivent à l’esprit, je les applique tout de suite et devant le regard étonné de tous les présents dans la salle (nous voyons l’écran qui projetait les images du microscope), le saignement s’est arrêté quelques minutes après.

Une semaine après sa chirurgie, je viens prendre de ses nouvelles, il a une aphasique d’expression, il arrive seulement à dire oui/non avec sa tête. L’équipe de neurochirurgie explique qu’un important œdème cérébral se développe tout autour de la zone d’exérèse et qu’un traitement médicamenteux va l’améliorer (mannitol). Le neurochirurgien me demande de faire quelque chose pour l’aider (de l’hypnose !). « Vous savez bien que vous êtes… capable de faire… beaucoup de choses, surtout avec votre poignet droit… la main droite… celle qui a le pouce vers la gauche » (dissociation). Il me montre la publicité d’un magazine de Formule 1 qui a un slogan : « vous allez chanter la route ». « Maintenant c’est vous qui allez chanter la route ! Concentrez cet œdème dans la main droite, celle qui a le pouce à gauche. » Quelques jours après, il récupère sa parole.

Les techniques d’hypnoanalgésie/hypnosédation m’ont permis une prise en charge plus globale des patients, ces derniers ont un vécu plus agréable et plus confortable, ils se rendent compte que l’hypnose « ce n’est pas de la magie ». Ces techniques complémentaires doivent être encouragées dans le contexte de la neurochirurgie, adaptées et personnalisées pour chaque patient. Certes, l’environnement peut être hostile, car les collègues paramédicaux et médecins à l’hôpital où je travaille ne sont pas formés et une partie d’entre eux ont la tendance à se « moquer » de l’hypnose, mais les bruits et les interruptions peuvent être intégrés au discours hypnotique avec un peu d’imagination. Il faut continuer à travailler malgré les obstacles, car l’hypnose fait du bien pas seulement au patient mais aussi au praticien et à l’entourage”


Article paru dans la revue hypnose et thérapies brèves n°45
Mai / Juin / Juillet 2017

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1. MORAR S, AGHAKHANI N, PARKER F et al. (2008). “Intérêt de l’hypnose en neurochirurgie”. Neurochirurgie, 54(5), 680-81.
2. ZEMMOURA I, FOURNIER E, EL-HAGE W et al. (2016). « Hypnosis for Awake Surgery of Low-grade Gliomas: Description of the Method and Psychological Assessment ». Neurosurgery, 78, 1, 53-61
3. VIROT C. (2009). « La Réification Hypnotique ». Hypnose et Thérapies Brèves Numéro Spécial : La douleur.
4. ERICKSON M. Quelques suggestions de grands praticiens. Suggestions en urgence : « Suggestions pour le contrôle du saignement » dans Hypnose & Thérapies brèves, 2010. 16,42.