Arnaud Gouchet, médecin anesthésiste réanimateur, référent en hypnose médicale au CH de Saint-Brieuc.
L’hypnose n’est pas un métier
Pierre Desproges, adepte du recadrage drôle et confusionnant, aurait sans doute ajouté : « Étonnant, non ? ».
L’hypnose ne fait pas le soin, pas plus qu’elle ne fait le soignant.
D’ailleurs, l’hypnose en tant que telle ne soigne pas.
C’est probablement l’une des différences entre l’hypnose des soignants et celle des non-soignants, qui pensent – et auxquels on laisse croire – que l’apprentissage de quelques techniques standardisées suffit pour aider son prochain ; c’est une illusion.
L’élan philanthropique et/ou l’empathie naturelle dont certains font preuve, n’en fait pas pour autant des soignants.
À l’inverse, ces dimensions font parfois défaut chez des soignants dûment diplômés.
On peut apprendre (et enseigner) l’hypnose (en tant que technique, paradigme relationnel, et état de conscience) ; pour autant, peut-on apprendre (ou enseigner) l’empathie, la philanthropie ?
Cette réflexion nous mènerait en-dehors du champ de la santé, en une promenade dans les allées plus ombragées de la philosophie, de l’anthropologie, de la sociologie.
Finalement, qu’est-ce qui définit au mieux le « soignant » :
– le diplôme qui sanctionne ses études ?
– sa volonté d’enfant d’être infirmière, sage-femme, kinésithérapeute, « quand il sera grand » ?
– un Code de la Santé Publique, qui liste des « Professions de Santé », en omettant les psychologues (pour ne citer qu’eux) ?
L’hypnose, et plus particulièrement la communication thérapeutique, fait la part belle à la sémantique, au sens des mots. Le CNRTL1 nous apprend que « soigner », c’est « s’occuper du bien-être matériel et moral d’une personne ».
Ce double aspect matériel et moral, somatique et psychique en somme, reflète l’équilibre entre la technique et le relationnel, la quantité et la qualité, le point de vue du gestionnaire et celui du patient, la « T2A » ou la « Pertinence Des Soins ».
Les formations professionnelles nous apportent le savoir : théorie, technique. Elles n’abordent qu’à peine les aspects relationnels, l’humanisme.
Or, « sans humanisme, soigner devient une simple réparation », nous dit Cynthia Fleury2. Une science sans conscience.
L’hypnose ericksonienne est humaniste. Et l’humanisme n’est pas un métier. C’est une attitude, une culture, un savoir-être, qui ne prend son sens que dans l’exercice d’un métier.
Non, décidément, l’hypnose n’est pas un métier !
1 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. www.cnrtl.fr
2 Cynthia Fleury est philosophe et psychanalyste, professeure à l’American University of Paris, membre du Comité Consultatif National d’Éthique.
Arnaud Gouchet, médecin anesthésiste réanimateur, référent en hypnose médicale au CH de Saint-Brieuc.
Pratique de l’hypnose au bloc opératoire, consultant en hypnose médicale.
Travaille en collaboration avec la Consultation de la Douleur et le service d’Onco-hématologie.
Ancien président de l’Institut Milton H Erickson de Touraine (IMHET).
Formateur en communication hypnotique et en hypnose conversationnelle auprès de diverses instances et structures (IFH, IMHET, DU, écoles hospitalières, etc.).