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Portrait croisé de formateurs

A propos de Vianney DESCROIX, Chirurgien dentiste
et Nir UZIEL, Chirurgien dentiste.

Quelques mots sur votre parcours professionnel et votre première rencontre avec l’hypnose

Vianney DESCROIX:  Je suis diplômé en tant que chirurgien-dentiste depuis 2001. J’ai très vite su que je voulais faire de l’enseignement et de la recherche, je me suis alors engagé dans une carrière hospitalo-universitaire. Parallèlement j’ai continué à étudier et j’ai obtenu un diplôme de docteur en pharmacie, puis un doctorat de biologie. Ma formation à l’hypnose a commencé par le DU du Dr Jean Marc Benhaiem à la Pitié Salpêtrière puis par le cycle « Hypnose médicale – Hypnoanalgésie » de l’IFH. Je me suis spécialisé dans l’accompagnement des patients souffrant de douleur chronique oro-faciale. Mon activité de soin est uniquement hospitalière à l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière où je suis chef de service du service d’Odontologie. Je suis également Professeur de pharmacologie à la faculté de chirurgie dentaire de Paris.

Nir UZIEL: Je suis chirurgien-dentiste, Professeur au département de réhabilitation dentaire à l’école de médecine dentaire de l’Université de Tel-Aviv.
Je suis licencié par le Ministère de la Santé pour l’instruction et la recherche de l’hypnose. Depuis plus de dix ans je suis responsable de l’enseignement de la pratique de l’hypnose pour les dentistes, médecins, psychologues, et aussi de l’enseignement des sciences comportementales pour les dentistes. Je suis formateur à l’IFH pour la formation « hypnose et odontologie ».
Je suis également en charge de la clinique universitaire qui reçoit les patients anxieux pour des soins dentaires : on y utilise différentes interventions comportementales, le MEOPA, et surtout l’hypnose.
J’enseigne aussi à la clinique de l’Occlusion et de la Douleur Faciale. J’interviens sur la question des rapports professionnels des dentistes avec les patients ainsi que sur la gestion du stress et de l’épuisement professionnel.
Je publie des articles et je participe à des conférences dans ces domaines.
Je possède également un cabinet dentaire spécialisé dans la prise en charge des patients anxieux.

L’hypnose et vous : racontez-nous votre première rencontre.

Vianney DESCROIX: J’ai rencontré l’hypnose la première fois alors que j’étais conférencier à un congrès d’anesthésiologie pour les chirurgiens-dentistes. Le Dr Chantal Wood était conférencière elle aussi. J’ai été fasciné d’abord par la passion de Chantal et ensuite par l’hypnose elle-même. C’est suite à cette rencontre que j’ai souhaité me former. Chantal Wood est devenue ce jour-là un exemple à suivre tant pour ces compétences d’hypnothérapeute que ses compétences médicales et humaines.

Nir UZIEL: Lorsque j’étais étudiant, un psychiatre hypnothérapeute nous a fait une démonstration dans laquelle il faisait une piqûre avec une aiguille puis, à un moment de sa démonstration, il a dit : « ça ne saignera plus » – et il n’y avait pas de sang. Ensuite, après quelques secondes il a dit : » maintenant cela va saigner » et il y a eu du sang. Cela me semblait d’une part un peu » magique » et d’autre part j’ai pensé, à l’époque, que cela ne devait fonctionner que pour des gens pouvant être influencés facilement.

Deux ans après avoir fini mes études, quand je me suis fracturé le bras en jouant au basketball, je suis allé étudier l’hypnose afin de me convaincre totalement que cette pratique n’avait aucun sens et que cela n’allait pas fonctionner sur moi. C’est seulement après avoir demandé au professeur s’il pouvait m’aider pour ma douleur au niveau du bras et qu’il m’a permis de réduire la douleur que je ressentais, que j’ai commencé à croire au » pouvoir » de l’hypnose.

Dès lors, je me suis passionné pour cette approche qui a aujourd’hui de plus en plus de preuves scientifiques.

Quelles sont les grandes indications de l’hypnose en médecine bucco-dentaire ?

Vianney DESCROIX: Les indications en odontologie sont très larges.
Pour moi l’hypnose est une façon d’être au monde. C’est à dire d’être « à soi et aux autres ».
Étudier l’hypnose et la mettre en pratique c’est d’abord envisager la réalité avec plus de confiance et de sérénité. C’est pourquoi la première indication de l’hypnose en odontologie concerne une façon de communiquer, avec soi, son personnel (assistante, secrétaire) et évidemment ses patients. C’est être toujours plus sincère et performant dans ses relations.
Concernant le soin, l’hypnose permet de créer la sécurité et le confort nécessaires pour des soins de qualité. Ses vertus anxiolytiques, analgésiques font de la pratique de l’hypnose (dans toutes ses dimensions) une méthode très efficace pour prévenir les états émotionnels désagréables comme la peur, l’anxiété et la douleur.
L’hypnose est aussi une méthode très efficace face aux troubles du comportement fréquents chez nos patients comme le bruxisme ou les réflexes nauséeux.
Enfin, l’hypnose est également très utile dans l’accompagnement des patients phobiques ou souffrant de douleurs chroniques oro-faciales.

Nir UZIELL’hypnose c’est une façon de discourir et de communiquer avec tous mes patients. Cela soulage le stress et amène un meilleur rapport. Pour ceux qui ont une phobie dentaire et ne veulent pas être traités sous anesthésie générale, l’hypnose est indispensable.
Les autres indications majeures sont : le reflexe nauséeux, le bruxisme, les douleurs de l’articulation temporo-mandibulaire d’origine musculaire, Parmi les autres indications, on trouve : ancrer des habitudes comme le brossage des dents, la prise en charge de la douleur en complément du MEOPA, la réduction de la quantité de salive pour faciliter le traitement ou encore favoriser la sécrétion de salive après radiation de la tête et du cou. Ce ne sont que des exemples parmi d’autres, bien sûr.

En quoi l’hypnose en odontologie est-elle singulière ?
Tous les patients peuvent-il en bénéficier ? Les enfants peuvent-ils être considérés comme des candidats potentiels à la pratique de l’hypnose en cabinet dentaire?

Vianney DESCROIX: Elle est singulière pour de nombreuses raisons différentes qui sont directement liées à la spécificité de l’odontologie.
D’abord la pratique de l’odontologie est un métier de communication dans lequel toutes les phases du soin de la prise de rendez-vous jusqu’au suivi thérapeutique nécessitent de communiquer efficacement. L’hypnose comme forme de communication joue un rôle essentiel.
Ensuite, les soins bucco-dentaires sont souvent anxiogènes. Il faut alors une hypnose réconfortante, apaisante, sécurisante. Parallèlement, il s’agit d’une hypnose qui doit se réaliser dans le contexte du cabinet et des soins qui sont par définition « bruyants ». Les praticiens doivent s’adapter à cet environnement. Enfin, les soins doivent être rapides et efficaces. L’hypnose en Odontologie doit donc se mettre en place de manière presque « instantanée »
La pratique de la chirurgie dentaire est une profession où le risque de burn out est très important. La pratique de l’hypnose comme de l’auto-hypnose apporte une vrai plus aux praticiens pour leurs propres émotions et leur régulation. La pratique de l’hypnose en odontologie devrait être obligatoire !

Comme dans d’autres disciplines, il n’y a pas de contre-indication à l’hypnose en Odontologie sauf peut-être les troubles psychotiques ou l’autisme sévère. Dans mon service nous recevons de nombreuses personnes malentendantes avec lesquelles nous tentons des soins sous hypnose, ce qui demande des adaptations.

Les enfants sont évidemment les premiers à pouvoir bénéficier de l’hypnose dans toutes ses formes. Les jeux, la distraction sont des outils très ludiques et puissants en odontologie pédiatrique. Nous utilisons toutes les formes de métaphores, de contes et d’histoire. L’hypnose en pédiatrie est un outil très efficace et générateur de satisfactions pour le patient et pour toute l’équipe médicale. Il s’agit d’une forme d’hypnose spécifique qui doit être adaptée au développement cognitif de l’enfant. Cela s’apprend.

Nir UZIELL’hypnose en odontologie est singulière parce que, d’un côté nous avons souvent l’avantage de connaitre nos patients et de les rencontrer pendant des années et, de l’autre, nous faisons des actes chirurgicaux, parfois en urgence, et n’avons pas le temps pour un long discours : les techniques utilisés doivent être brèves et efficaces.

Cela nous permet d’observer la diminution immédiate du stress et d’observer le changement de comportement qui apparait chez nos patients.

Nous faisons des interventions plus longues chez les patients phobiques ou encore avec les “bruxeurs”.

Chaque patient bénéficie donc de l’hypnose à hauteur de ses besoins, fonction de sa demande ; pour tous les patients un plus grand soulagement et moins de stress.

L’hypnose est particulièrement intéressante en pédodontie car les enfants entre 7 et 14 ans sont les plus hypnotisables et on peut facilement les aider. Les métaphores et la distraction utilisées en hypnose réduisent le stress chez l’enfant. L’hypnose est utilisée aussi pour des autres occasions comme l’arrêt de la succion du pouce ou l’arrêt d’utilisation des sucettes.

La dernière fois que vous avez utilisé l’hypnose.

Vianney DESCROIX: Je l’utilise de manière quotidienne que ce soit lors de mes consultations de douleur chronique, au bloc opératoire en complément de l’anesthésie locale ou encore pour les patients anxieux ou phobiques. La dernière fois était avec une patiente souffrant d’un très fort bruxisme et de céphalées. Elle a réalisé un travail de réification de sa douleur et a pu ainsi réduire de 7/10 à 3/10 sa douleur pendant la séance. Elle a surtout activé une nouvelle ressource qu’elle ne se connaissait pas et qu’elle pourra utiliser chaque fois que nécessaire. C’est vraiment l’essentiel.

Nir UZIELJ’utilise l’hypnose chaque jour mais je vais vous donner ici un exemple récent : un patient âgé de 36 ans est venu à notre clinique avec des plaintes de peur extrême et de réflexe nauséeux sévère. Au cours des années, il n’a accepté aucun acte dentaire ayant pourtant besoin de plusieurs obturations et d’un traitement de canal.

« Je ne peux pas brosser mes dents », « Je ne peux même pas mâcher la nourriture », « Je me sens immédiatement vouloir vomir…» a-t-il proclamé avant de se mettre au fauteuil dentaire.

À l’examen, le réflexe nauséeux est apparu en touchant avec un miroir les incisives supérieures.

Au début, il était très nerveux et agité, mais à la fin de la première séance, il a réussi à recevoir un traitement sans réaction ou stress excessif.

Il nous a dit qu’à l’âge de 6 ans, son père l’avait amené à un traitement dentaire au cours duquel le dentiste se comportait de manière agressive et n’avait pas prêté attention à ses plaintes. Quand il refusa de retourner pour recevoir des soins dentaires, son père se moqua de lui et depuis, son refus était le sujet dans toutes les réunions familiales où la famille élargie le pressait en disant : « tu devrais être un héros et aller recevoir un traitement ».

Le traitement a été réalisé sous hypnose. Des métaphores de désensibilisation et de guérison suggérées de manière hypnotique ont été présentées et adaptées par le patient dans une atmosphère de confiance et de respect mutuels nouvellement acquise. En utilisant la technique de la régression en l’âge, il était accompagné de son père, qui le soutenait maintenant, et est entré dans une «nouvelle clinique dentaire» où le dentiste était empathique et a prêté attention à ses plaintes. À la fin de la séance, aucun reflexe nauséeux n’a été observé en essayant de toucher les molaires supérieures et inférieures.

Une semaine plus tard, il a déclaré pouvoir mâcher sa nourriture et se brosser les dents sans se plaindre de toute mesure.

La pratique de l’hypnose influe-t-elle sur la pratique du chirurgien dentiste, la vision du métier ?

Vianney DESCROIX: La pratique de l’hypnose influence de manière très positive la manière d’exercer. Elle permet un exercice plus serein ne serait-ce qu’en permettant une meilleure communication de toute l’équipe. La pratique de l’hypnose oblige à la conscience réflexive de soi en action, ce qui est sans doute une très bonne façon de s’autocorriger, de s’observer travailler et finalement d’accéder à une meilleure estime de soi. Il existe également un cercle vertueux d’un patient plus détendu, plus confortable plus satisfait de ses soins qui renvoie une image très positive de notre métier et notre façon de l’exercer.

Nir UZIELMes collègues me demandent souvent comment ça se fait que je ne souffre pas de ” burn out “. Étant donné qu’un dentiste sur 5 est concerné, notre profession étant très à risque. Je suis chirurgien mais je ne traite pas que les dents, je traite un être humain avec toute sa personnalité. Grâce à l’hypnose c’est naturel, facile et chaque fois un plaisir. J’ai toujours l’enthousiasme et la patience par rapport à mes patients (sauf quelques uns.) A mon avis on ne peut pas être un bon médecin ou un bon dentiste sans aimer les gens. Notre métier est tout d’abord relationnel ; pour chaque personne animée par cet amour et la passion des Autres, l’hypnose apportera des avantages et des compétences insoupçonnées jusqu’alors.

Êtes-vous un cordonnier mal chaussé ? Ou l’autohypnose fait-elle partie de vos paires de souliers ?

Vianney DESCROIX: L’auto-hypnose m’accompagne dans toutes mes activités, professionnelles comme privées. A chaque fois que j’en ai besoin ou simplement pour me faire du bien, je m’échappe dans ma « safe place » ou dans une très belle bulle de confort. Cela devient un jeu d’enfant lorsque l’on a pris l’habitude de pratiquer. Ma pratique est très influencée par les travaux de François Roustang. Quand je fais de l’hypnose tout seul il s’agit d’abord pour moi de m’installer confortablement, d’avoir le bon geste et de savoir attendre.

Nir UZIELL’autohypnose fait partie de ma vie. Je me suis rendu compte que chaque fois que je fais de l’hypnose : je suis en autohypnose ! Notre métier peut nous confronter au stress (et parfois notre vie aussi). Avoir cette capacité me permet de m’adapter et me sentir mieux face à différentes circonstances.

J’ai l’avantage de voyager chaque jour, parfois même plusieurs fois par jour vers des endroits proches ou lointains et de me décontracter sans bouger de mon fauteuil.


Portrait chinois de l’hypnose…

Si l’hypnose était une ville ?

Vianney DESCROIX: Un petit village du pays Basque. Un village discret entre mer et montagne. Un lieu caché où l’on peut s’assoir sur un banc, fermer les yeux écouter tous les sons, sentir avec le corps et simplement ne plus rien vouloir.

Nir UZIELUne ville peu importe petite ou grande au bord de la mer ou en campagne mais elle doit être libre, sans coercition idéologique (politique ou religieuse). Dans cette ville chacun peut trouver un endroit et avoir sa place de confort.

Si l’hypnose était un objet ?

Vianney DESCROIX: Un livre. Un grand livre d’histoires et de contes, un livre dans lequel on ne sait jamais si c’est la réalité ou l’imaginaire, dans lequel tout semble possible et pourtant mystérieux.

Nir UZIELl’eau. Il me met toujours en hypnose. Comme l’eau qui coule et modifie ses états d’agrégations, l’hypnose s’adapte et se transforme par rapport à nos patients. De plus, en hypnose, nous utilisons les différents états de l’eau pour recevoir des phénomènes hypnotiques.

Si l’hypnose était une citation ?

Vianney DESCROIX: « Ne demande jamais ton chemin à celui qui le connaît. Tu risquerais de ne pas t’égarer » (Rabbi Nahman de Bratslav)

Nir UZIELL’imagination est plus importante que la connaissance. Car la connaissance est limitée, tandis que l’imagination englobe le monde entier, stimule le progrès, suscite l’évolution.
Albert Einstein

Si l’hypnose était un rêve ?

Vianney DESCROIX: Un rêve à la Verlaine, un rêve familier, étrange et pénétrant.

Nir UZIELL’hypnose c’est un rêve qui devient réalité pour chacun qui l’utilise.

Si l’hypnose était une couleur ?

Vianney DESCROIX: Pas une couleur, des couleurs, celles de l’arc en ciel.

Nir UZIELLa couleur bleue avec ses différentes nuances dans les différentes profondeurs de la mer. La couleur bleue dans le ciel qui change au cours de la journée

Si l’hypnose était un plat ?

Vianney DESCROIX: Un plat à la fois très simple et en même temps très subtil. Une recette de famille qui demande des années pour la maîtriser et qui n’est jamais le même d’une fois sur l’autre.
Et une fois en bouche, c’est un plat où chaque saveur est l’évocation d’un souvenir, une image, un son, une sensation.

Nir UZIELUn plat aux fruits. Chaque fruit appartient à sa saison. Chaque fruit a sa couleur, sa forme, son arôme et son goût unique. Nous prenons le fruit que nous aimons. Nous pouvons les peler ou les manger entier ; Pareille à l’hypnose que l’on adapte par rapport à l’état et la nécessité de notre patient.


Le Professeur Vianney DESCROIX est membre du comité scientifique de l’IFH, il est enseignant pour le cycle « hypnose et odontologie » de l’IFH et  superviseur au sein du cycle d’Hypnoanalgésie et Hypnose médicale.

Il est l’auteur d’un ouvrage sur les douleurs orofaciales aux éditions Arnette, paru en 2013 ainsi que qu’un ouvrage de Pharmacologie et thérapeutique en médecine bucco-dentaire et chirurgie orale aux éditions CdP en 2015.

Le Docteur Nir Uziel dispense également de l’hypnose au sein du cycle « hypnose et odontologie »

Il est auteur et co-auteur des publications parues dans des journaux internationaux ; parmi eux celles apparues en 2014 dans « International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis » sous le titre « Application of hypno-dissociative strategies during dental treatment of patients with severe dental phobia ».

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