Dr Arnaud GOUCHET, Médecin Anesthésiste Réanimateur
Anna HAMLAT, Psychologue clinicienne.
Les courants actuels de formations évoquent assez facilement la communication : positive, non violente, thérapeutique… l’IFH a choisi d’intituler sa formation Communication Thérapeutique ; quelle définition en donneriez-vous?
« thérapeutique » embrassent des champs d’applications différents, éventuellement complémentaires.
La communication « thérapeutique », d’un point de vue sémantique, nous ramène précisément à la dimension du soin.
La Communication Thérapeutique est une communication qui possède des vertus anxiolytiques et antalgiques, indépendamment de tout apport pharmacologique.
Une communication « soignée » devient « soignante », au propre comme au figuré, et non « soit niant, soit nié »
Mais également une technique d’écoute et d’échange qui favorise l’émergence d’un état d’hypnose spontané et/ou qui peut aider le praticien qui va pratiquer les techniques d’hypnoanalgésie.
Ma réponse s’appuie notamment sur l’expérience des stagiaires, en hôpitaux notamment, qui évoquent un changement radical dans leur manière d’être et de communiquer avec les patients, au delà des techniques d’hypnoses à proprement parlé.
Dr Arnaud GOUCHET: La Communication Thérapeutique et l’hypnose ne doivent effectivement pas être confondues ni assimilées l’une à l’autre. Si elles se complètent (l’hypnose prolongeant la Communication Thérapeutique), elles supposent des compétences – et des formations – distinctes et spécifiques. Leurs indications et leurs champs d’applications respectifs sont différents.
Comment réunir autour de cette même formation des médecins, des régulateurs téléphoniques, des secrétaires, des infirmiers, des ambulanciers… ? Cela vous semble-il cohérent ? Cela représente-t-il un intérêt pour les stagiaires ?
Anna HAMLAT: Je suis d’accord avec cette pluridiscipliarité et observe une cohérence dans le sens où il n’y a pas de travail « thérapeutique » en soit. La communication Thérapeutique est avant tout une méthode de communication. Prenons l’exemple du cabinet dentaire ; il est intéressant d’avoir une continuité entre le premier contact effectué par le secrétariat, puis l’assistant dentaire et ainsi accompagner et préparer la personne tout le long de son « parcours » jusqu’au chirurgien-dentiste qui pratiquera l’hypnoanalgésie. C’est ce que je perçois notament dans ton film Arnaud sur l’accompagnement au bloc opératoire.
Dr Arnaud GOUCHET: Tout a fait Anna. Le parcours d’un patient démarre souvet à la prise du rendez-vous, qui transite par un(e) standardiste, un(e) secrétaire, qui a un rôle à jouer.
Le « premier contact » est alors déterminant dans la suite du parcours clinique du patient. L’accueil téléphonique initial conditionne la suite des évènements.
Le travail relationnel du médecin généraliste et de sa secrétaire, puis celui de l’assistant(e) de régulation médicale, aura un effet bénéfique pour le patient, que le médecin du SMUR, en relai, pourra constater et relayer à son tour ; l’ambulancier, pour sa part, veillera à entretenir le climat précédemment instauré, que constateront et prolongeront les membres de l’équipe soignante qui accueilleront le patient à son arrivée à l’hôpital : infirmières, aides-soignantes, médecins, kinésithérapeutes, manipulateurs en électro-radiologie médicale, etc.
Toutes ces professions accueillies dans notre formation en Communication Thréapeutique concernent des individus dont le dénominateur commun est l’intervention, à une étape ou une autre, du « chemin » d’un patient. Chacun a un rôle à jouer, à la fois identique et spécifique de son corps de métier. « Primum non nocere », enseignait Hippocrate (avant tout, ne pas nuire).
C’est un sens et une cohérence inédits qui sont ainsi conférés au parcours de soins du patient. Une sorte d’unité, structurante pour le patient, et susceptible de le mettre à l’abri de troubles d’origine traumatique. La continuité autobiographique est préservée.
On comprend ainsi que tout soignant, quel que soit son grade, sa qualification, ou ses diplômes, a un rôle a jouer dans l’intérêt du patient.
On comprend aussi que la formation à la Communication Thérapeutique (et la dimension humanitaire) fait cruellement défaut dans les études de santé (IFSI, IFAS, IFA, IFMERM, IFK, facs de médecine, …).
Cf. le film récemment sorti « La première année ».
En quoi la communication thérapeutique fait-elle lien avec la pratique de l’hypnose thérapeutique?
Cette formation est-elle un premier pas possible dans la formation à l’hypnose thérapeutique ?
Dr Arnaud GOUCHET: L’hypnose thérapeutique, telle qu’elle est comprise et pratiquée au XXIème siècle, est une pratique adaptative, qui tient compte des particularités de chaque patient.
L’hypnose est avant tout communication, comme l’a souligné Erickson. La pratique de l’hypnose thérapeutique nécessite la connaissance et la maîtrise de techniques spécifiques de communication, qui constituent le corpus des compétences en matière de Communication Thérapeutique.
On pourrait proposer de définir des paliers (comme ceux de l’OMS pour les antalgiques).
– palier 0 : la communication ordinaire
– palier 1 : la communication thérapeutique
– palier 2 : l’hypnose conversationnelle
– palier 3 : l’hypnose formelle
On peut donc tenir la Communication Thérapeutique comme prérequis à la pratique de l’hypnose thérapeutique.
À l’inverse, l’expérience montre que l’approche de l’hypnose sans la maîtrise de la Communication Thérapeutique est vaine : stérile dans le meilleur des cas, délétère et dangereuse parfois.
L’hypnose n’est pas un métier, sa pratique n’a de sens que dans le champ d’exercice d’un soignant dûment formé et compétent dans les soins et la communication.
Anna HAMLAT: Que dire de plus ! Les stagiaires acquièrent effectivement un forme de langage « hypnotique » et surtout l’écoute spécifique que l’on doit avoir avec les patients.
C’est un premier pas vers l’hypnose thérapeutique, une ouverture à un état d’esprit et une nouvelle manière d’aborder l’autre et d’entrer dans son monde.
Anna Poliakow-Hamlat, Psychologue. Hypnothérapeute en libérale. A une approche d’inspiration cognitive et utilise le rêve en hypnose, pour le traitement de la douleur chronique et l’accompagnement psychothérapeutique. A travaillé à l’unité d’évaluation et de traitement de la douleur, à l’hôpital André Mignot (78).
Arnaud Gouchet, médecin anesthésiste réanimateur, référent en hypnose médicale au CH de Saint-Brieuc.
Pratique de l’hypnose au bloc opératoire, consultant en hypnose médicale.
Travaille en collaboration avec la Consultation de la Douleur et le service d’Onco-hématologie.
Ancien président de l’Institut Milton H Erickson de Touraine (IMHET).
Formateur en communication hypnotique et en hypnose conversationnelle auprès de diverses instances et structures (IFH, IMHET, DU, écoles hospitalières, etc.).